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Une nuit sur Terre

samedi, mars 28th, 2020

Histoires de la nuit.

Comme tous les films à sketches, dont les saynètes sont reliées entre elles par un fil ténu, Une nuit sur Terre souffre des inégalités de structure et d’inspiration entre ses différents segments. C’est bien beau de vouloir filmer, en cinq endroits et quatre langues, les pérégrinations nocturnes de conducteurs de taxis qui, en une même nuit, au même moment (mais évidemment dans des fuseaux horaires différents) patrouillent dans la nuit et sont conduits à réaliser des courses invraisemblables pour des clients singuliers. Un temps très proche du mode du taxi, j’avais été passionné par la fascination des chauffeurs de la nuit pour leur aventure. Les larges avenues vides, les lumières jaunes qui donnent à l’obscurité une allure blême et surtout les gens de la nuit qui ont, quoi qu’on en pense, une allure et une façon de vivre bizarres.

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Wilbur

vendredi, mars 27th, 2020

Aussi pesant que le ciel de Glasgow

Lone Scherfig qui a tourné Wilbur a fait ses débuts au cinéma en se classant dans le mouvement danois du Dogme95 initié par Thomas Vinterberg et Lars von Trierqui, si bizarre qu’il est ne manque pas de qualités. Mais après avoir réalisé Italian for Beginners qui, paraît-il respecte toute les prescriptions du mouvement et obéit à tous ses ukases, elle s’est dirigée vers un cinéma plus commercial, plus classique et plus sentimental. Du moins est-ce ce que j’ai lu ici et là, puisque j’ignorais jusqu’à cette après-midi l’existence de la dame. Et si j’étais resté dans l’ignorance, je ne m’en serais, d’ailleurs, pas plus mal porté. Finalement les découvertes ça va, ça vient mais souvent de mal en pis.

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Les S.S. frappent la nuit

jeudi, mars 26th, 2020

Dernier été avant poursuites.

Voilà un film qui met en scène un des personnages les plus fascinants du cinéma dramatique, le serial killer, et dont le propos ne consiste pas à présenter la traque et les motivations du tueur. C’est-à-dire que l’orientation principale des SS frappent la nuit (titre idiot, affiches les unes et les autres plus idiotes encore) est beaucoup plus originale et, d’une large façon, plus ambitieuse. C’est aussi que le réalisateur, l’excellent Robert Siodmak, Allemand d’avant-guerre revenu en Allemagne d’après-guerre après un large détour par la France et les États-Unis porte en lui les hantises et les culpabilités de ses compatriotes. Voilà qui est bien intéressant. (suite…)

Le puits et le pendule

mardi, mars 24th, 2020

La mort à portée de la main.

Je ne crois pas avoir vu le court métrage d’Alexandre Astruc sur le petit écran. En 1964, nous n’avions pas la télévision ; plus tard y a-t-il eu une diffusion ? C’est fort possible, parce que l’époque n’hésitait pas à proposer aux spectateurs des textes et des images exigeants, puisés aux meilleures sources, adaptés de grands écrivains et mis en scène par d’excellents réalisateurs. Je sais bien qu’il y avait aussi Intervilles, mais on se souvient avant tout de Cinq colonnes à la Une et de La caméra explore le Temps. Bon. Passons ces récriminations de vieillard presque cacochyme. Depuis Tacite tout a été toujours mieux avant. (suite…)

Sept vies

mardi, mars 24th, 2020

La fontaine du caramel mou.

La sauvagerie intrinsèque du monde moderne, si cruel pour les sinistrés de la mondialisation, pour les vieillards abandonnés dans les mouroirs, pour les populations chassées de chez elles par l’Islam terroriste, va de pair avec la cucuterie sucrée. Le paradoxe n’est d’ailleurs qu’apparent. Il faut bien qu’une société sans repères fasse mine de retrouver des bases dans une apparente gentillesse dispensée de façon gnangnan, larmoyante et inutile. D’où le succès des marches blanches et des amoncellements fleuris sur les lieux d’un drame (revoir 38 témoins de Lucas Belvaux : tout le monde s’est bouché les oreilles et tout le monde pleurniche).

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Nuits blanches

lundi, mars 23rd, 2020

Quand l’alouette s’envole.

Sans doute un jour ou l’autre, les circonstances aidant – ou imposant – je regarderai, ou reverrai des films de Luchino Visconti. Ceux que j’ai vus jadis et qui ne m’ont pas emballé (SensoRocco et ses frèresLes damnés) et ceux que je ne connais pas (Ludwig ou le Crépuscule des dieuxViolence et passionL’innocent). Mais je serais bien étonné que tout ça m’emballe : c’est comme avec un vin, une femme ou un poème : quand on n’y est pas sensible, il n’y a pas grand chose à faire. Et cela même si l’on se dit qu’on a sûrement tort et qu’on devait, comme la masse, comme la foule, approuver et applaudir des deux mains. (suite…)

Les ponts de Toko-Ri

samedi, mars 21st, 2020

Le bout du monde.

En 1952, les valeureux soldats des États-Unis d’Amérique n’en avaient pas fini avec ce que l’on appelait alors les petits hommes jaunes. À peine la question du Japon avait-elle été réglée (de façon radicale, j’en conviens) les 6 et 9 août 1945 que commençait, le 25 juin 1950, la guerre de Corée à la suite de l’invasion des forces communistes du Nord du territoire du Sud. On remarquera que la situation, stabilisée d’apparence depuis le 27 juillet 1953, n’est toujours pas réglée et ne semble pas proche de l’être. Mais, comme la nécessité de se nourrir, la guerre est inhérente à l’Humanité ; on ne peut que se féliciter, avec une bonne part d’égoïsme, de passer au travers, lorsqu’on fait partie d’une génération bénie qui l’évite. Et il n’y a pas tant que ça dans la furibonde histoire de l’Humanité. (suite…)

Les amants de la nuit

vendredi, mars 20th, 2020

La mort qui rode.

C’est encore une histoire de fatalité, ou peu s’en faut. Un jeune voyou, Bowie Bowers (Farley Granger) qui a écopé de cinq ans de prison pour assassinat, s’évade avec deux truands chevronnés, le borgne Chicamaw Mobley (Howard Da Silva), qui est un peu psychopathe et Henry T-Dub Mansfield (Jay C. Flippen), un peu davantage subtil. Bowie n’a pas une grande vocation pour le monde du gangstérisme, mais il ne voit pas bien ce qu’il pourrait faire d’autre et d’ailleurs ses deux compagnons lui rappellent qu’ils l’ont distingué au bagne et choisi pour l’évasion afin qu’il les accompagne désormais dans leurs mauvais coups. Les trois hommes se réfugient chez Mobley (Will Wright), frère de Chicamaw et père de la jeune Keechie (Cathy O’Donnel). Arrive ce qui doit arriver : Bowie et Keechie se plaisent et vont lier leurs destins (comme on dit dans les romans de gare).

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Pour toi j’ai tué

jeudi, mars 19th, 2020

Ancrés dans la chair.

Steven Thomson (Burt Lancaster) est un représentant typique de la middle class californienne du lendemain de la guerre. Il a tout pour mener pour une vie paisible, comme son jeune frère va bientôt le faire, même si sa vieille maman est un peu trop présente et couve avec un soupçon d’inquiétude son grand beau garçon. Mais il a le malheur de connaître une des filles faciles du coin, sûrement la plus belle, Anna (Yvonne De Carlo) qui a beaucoup de goût pour les bijoux, les belles voitures, la grande vie. Mais qui a aussi – et c’est là que le film est intéressant et original – beaucoup de goût pour Steven. Dans le cinéma bien puritain des États-Unis de 1949, voilà une évidence (un scandale ?) assez rarement montrée : l’attirance charnelle intense, palpable, fatale entre cet homme et cette femme. (suite…)

Le pari

mercredi, mars 18th, 2020

L’insoutenable légèreté de la volute.

Le 6 mars 1986, il y a donc un peu plus de 34 ans, j’ai écrasé pour toujours ma dernière cigarette. J’y avais quelque mérite puisque, aux derniers temps de ma tabagie, je fumais trois paquets de Gauloises sans filtre par jour. Et je ne négligeais pas les gros modules de Havane, Monte CristoRomeo y JuliettaRey del MundoHoyos de Monterrey et autres merveilles. Est-ce possible ? Comment peut-on faire ça ? va-t-on se demander. Mais bien sûr que c’est possible : il suffit de ne faire que ça, du matin au soir et d’allumer une cigarette au mégot rougeoyant de l’autre. D’ailleurs, si je n’avais pas arrêté, je pense que je serais passé sans trop d’efforts à quatre paquets quotidiens. Remarquez, je ne serais sans doute plus là pour vous le conter, la réalité médicale finissant par l’emporter et entraîner ad patres l’intoxiqué. (suite…)