Carré de valets

Tout est possible.

Ai-je déjà vu un film plus idiot et plus insignifiant que ce Carré de valets du prolifique André Berthomieu ? Un réalisateur qui n’a pas tourné que des bêtises et qui a réussi, par exemple, un assez bon Mort en fuite en 1936, avec Jules Berry et Michel Simon ; mais un réalisateur de grande série voué au cinéma du samedi soir, c’est-à-dire à la facilité absolue, qui procurait au brave public des salles périphériques son content d’émotions, de battements de cœur et de grosse rigolade. Tout pour plaire, en quelque sorte : des acteurs un peu notoires, en tout cas bien reconnaissables (même si on ne se rappelait pas forcément leur nom), une intrigue assez facile à suivre et in fine, la retrouvaille des amoureux que le mauvais sort avait pu un instant dissocier.

À mes yeux si souvent nostalgiques, l’intérêt premier de ces films-là est de faire revivre, par la magie du cinéma, deux ou trois souvenirs évanouis qui n’ont d’ailleurs pas grande importance. Et là je suis d’emblée servi par ce domestique qui balaye avec un plumeau la poussière d’un bel appartement bourgeois du lendemain de la deuxième guerre. Un plumeau !! Combien d’entre nous, ici et ailleurs, ce rappellent ce doux ondoyant assemblage bizarre dont toutes les familles étaient jadis pourvues ? Et mêmement qui se rappelle avoir entendu les subordonnés employer, vis-à-vis des maîtres la troisième personne du singulier ? Monsieur souhaite-t-il que…?. C’était naguère, c’était jadis, c’était il y a maintenant tellement longtemps…

Une sorte de gandin hédoniste et sans qualité, Jacques de La Bastide (Jean Dessailly), issu d’une riche famille bourgeoise, est inscrit au Barreau. Mais il ne se préoccupe guère que de ses plaisirs, notamment ceux qu’il prend avec sa maîtresse, Betty (Liliane Bert), ce qui ennuie (mais à peine) sa mère (Denise Grey, encore jeune). Tout à fait fortuitement et par une suite de hasards peu vraisemblables, il parvient à obtenir l’acquittement de trois malandrins assez minables : Arthur (Pierre Larquey), Jules (Yves Deniaud) et son fils Albert (Bernard La Jarrige) qui sont furieux de cet acquittement car ils espéraient bien, sans lui, bénéficier de la clémence républicaine et passer l’hiver nourris et chauffés. Seulement Arthur/Larquey est le père d’une gracieuse enfant, Catherine (Martine Carol) qui a immédiatement tapé dans l’œil du jeune homme. Ceci au grand dépit d’Albert/La Jarrige qui en était plus ou moins fiancé.

On devine assez vite – beaucoup trop vite, naturellement – la suite où tout cela va nous conduire et qui ne peut aller que vers d’heureuses conclusions. J’ai longtemps cru que le film n’était que la transposition à l’écran d’une pièce de boulevard, tant la trame et les épisodes ressemblent à ce genre facile, tant Berthomieu filme tout cela paresseusement, frontalement, sans la moindre fantaisie. Eh bien non ! Il paraît que c’est là un scénario qui se veut original, mais qui est terriblement poussif. On attend, sans jamais y croire vraiment, que se passe quelque chose qui puisse faire basculer un peu le film au delà de sa modeste ambition ; on attendra logntemps, on attendra toujours.

Les acteurs, qui ne sont pas médiocres, tentent désespérément de tirer leurs épingles du jeu ; on ne peut dire qu’ils y parviennent ; ou n’y parviennent pas, c’est selon. Ce sont de bons professionnels qui font le boulot. Est-ce que ça suffit ?

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