Cyprien

Accablant.

Et voilà que l’autre soir passe sur une chaîne de télévision insignifiante un film dont la rumeur m’avait dit le plus grand mal : Cyprien de David Charhon avec Élie Simoun et (horreur ! malheur !), Catherine Deneuve. Ce film a eu le rare privilège d’être nominé à 6 reprises sur les 13 possibles lors de la cérémonie des Gérards qui, chaque année désigne avec un goût très sûr les pires horreurs du cinéma français. Cyprien a eu le privilège, en 2009, de décrocher deux de ces Gérards. D’abord celui du Désespoir féminin pour Catherine Deneuve (bien fait !) qui l’a emporté notamment sur Emmanuelle Béart (dans Disco) et Sophie Marceau (dans Les femmes de l’ombre).

  Puis la récompense suprême, le Gérard du plus mauvais film, alors qu’il y avait de redoutables concurrents : Disco de Fabien Onteniente, Parlez-moi de la pluie d’Agnès JaouiAgathe Clery d’Étienne Chatiliez et La possibilité d’une île de Michel Houellebecq (que je croyais insurpassable).

Reconnaissons au réalisateur David Charhon le mérite d’être venu en personne à la cérémonie recevoir le parpaing qui représente sa victoire. Mais ne lui reconnaissons rien d’autre. Je ne pouvais évidemment pas rater ça.

C’est terrible, un film méprisable et accablant du début à la fin pendant lequel on se demande à chaque instant jusqu’à quel degré de ridicule on va descendre ; c’est choquant, même, lorsque l’on songe à la manne des financements publics – par le CNC et par les chaines de télévision – engloutie dans une saleté pareille. Mais ça existe et ça prospère, ça métastase même en s’appuyant sur la notoriété douteuse – pourtant incontestable – des amuseurs de la télévision du type Dany BoonOmar SyFranck Dubosc, ou, donc, Élie Semoun.

On prend donc la trame d’un scénario poilant (!!), celui de Docteur Jerry et Mr. Love où un histrion se transforme grâce à un élixir chimique en un séducteur irrésistible ; on n’oublie pas de faire du nouvel histrion Cyprien, donc, un geek coincé mais habile informaticien et pote avec plein d’inadaptés sociaux (dont un infirme en fauteuil roulant et un gros nounours poilu : le politiquement correct ne recule devant rien) qui pianotent avec constance. Cyprien devient le séduisant Jack Price en s’aspergeant de déodorant. Vraiment du copier/coller.

En face, les méchants : Viviane (Catherine Deneuve), la directrice de la boîte de communication où travaille Cyprien (Semoun) et son fils Stanislas (Laurent Stocker), parasite social haineux, lâche, méprisable, trouillard et ainsi de suite. Et une petite cour de pétasses plus ou moins bimboïsées qui s’esclaffe à tout bout de champ. Petite cour dont va s’extraire Héléna (Léa Drucker) qui découvre qu’au delà de son image minable, Cyprien est un garçon très attachant, beaucoup plus que ne l’est son avatar, son double, Jack Price.

On voit le dégueulis empathique complété par la conclusion consensuelle gluante du rêve d’un monde où les différences seraient une richesse. Quand on pense que tout ce petit monde moralisateur est en train de se noyer sous des flots de champagne à Cannes et que les ouvriers de GM&S de La Souterraine (Creuse) vont tous être licenciés, ça me met mal à l’aise… On est navré, presque humilié pour le public à qui ces gens là se sont adressés goulument alors qu’ils les méprisent. On n’est pas fier d’avoir regardé ça jusqu’au bout.

 

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