Diaboliquement vôtre

affiche-diaboliquementUn diable bien boiteux.

Dans ce genre de films à machinations compliquées, ce qui importe souvent, c’est la révélation finale et la surprise qu’elle doit instaurer : quand c’est intense et inattendu, ça permet de passer sur toutes les insuffisances préalables et de laisser au spectateur un souvenir assez saisissant pour qu’il ne garde en tête que la conclusion. Il faut donc que le scénario soit suffisamment élaboré et le récit assez bien présenté pour qu’il y ait surprise et choc. (Il est vrai que les vieux schnocks comme moi qui en ont tant et tant vu commencent – il était temps ! – à comprendre les astuces et procédés et ont réalisé que c’étaient toujours les personnages les plus improbables qui étaient les coupables).

diaboliquement_votreMais lorsqu’on saisit presque dès le début du film qui sont les méchants et quel va être le cheminement de leur infamie, on a un certain mérite à ne guetter que la façon dont le réalisateur va amener son sujet à sa logique conclusion. Et, lorsqu’il s’agit du grand Julien Duvivier, on a bien du chagrin à constater que Diaboliquement vôtre est son dernier film et qu’il laisse cette image-là, celle d’un film enquiquinant, où on ne retrouve ni la qualité de sa mise en scène (là simplement honnête, lisse, insignifiante), ni sa noirceur fondamentale. Car même si on espère quelques instants que le cynisme et la malhonnêteté vont triompher, pour constituer une nouvelle illustration du Bonheur dans le crime (sublime nouvelle des Diaboliques de Barbey d’Aurevilly, transposée à la télévision par Jean Prat sous le titre de Hauteclaire avec Mireille Darc et Michel Piccoli), même si on espère que ça va se terminer bien (donc mal – me suivez-vous ?), Duvivier croit devoir donner une fin morale à son film.

 De toute façon, on a attendu que le venin arrive pendant 90 minutes et on n’en a pas eu son content ; peut-être est-ce dû aux exigences de la coproduction avec la vertueuse Allemagne qui, aux côtés d’Alain Delon, a fourni la bovine et bien fichue vedette féminine, Senta Berger et avec la démocrate-chrétienne Italie, d’où provient le fourbe et plat Freddie (Sergio Fantoni), aussi crédible en médecin faux-cul machiavélique que je le serais en danseur de claquettes des Folies Bergère.

c212c-votre2Alain Delon, amnésique (à la suite d’un accident de la route) manipulé par un couple d’amants maléfiques (Senta Berger et Sergio Fantoni) sous les yeux d’un impassible esclave chinois amoureux fétichiste de la dame (Peter Mosbacher) et objet d’une manipulation compliquée, ça ne donne pas grand chose, en vérité…

Et puis, dans ce quasi huis clos (tout l’argent de la production a dû passer dans la location de la belle villa et dans le cachet des deux acteurs principaux), que sont devenus ceux qui donnent de la densité et de l’épaisseur à un film, c’est-à-dire les seconds rôles ? À part une brève prestation de Claude Piéplu en décorateur homosexuel à peine flamboyant, on ne voit personne.

Comment, cher Julien Duvivier avez-vous pu commettre cette faute majeure ? Et à 71 ans seulement, deux mois avant la sortie de ce qui fut votre dernier film, un accident de voiture n’a pas permis que vous puissiez tirer votre révérence sur quelque chose de mieux…

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