Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas… mais elle cause

Écrasons l’insecte !

C’est moins dramatiquement affreux que dans mon souvenir et si – chose improbable – ça avait pu maintenir pendant les pourtant minces 85 minutes de sa durée, le rythme et l’enjouement du premier quart d’heure, ça vaudrait beaucoup mieux, bien sûr… Hélas Michel Audiard, une fois son équipe en place et son récit de départ trouvé et mis sur les rails, se fiche complètement de conduire son film à bien ; c’est d’ailleurs là sa constante de réalisateur : génie des titres, talent de la caractérisation outrancière des personnages, drôlerie des dialogues (évidemment !) et totale désinvolture sur le cheminement du scénario…

À Paris et dans sa proximité (une banlieue proche où coexistent encore, à côté des tours de La Défense, qui se bâtit à toute allure, des portions de zone et des pavillons chétifs), une femme de ménage, Germaine (Annie Girardot), que rien n’étonne et qui ne doute de rien, a trois clients. D’abord un employé de banque cauteleux, obséquieux et obsédé, Alexandre Liéthard (Bernard Blier) ; puis Francine Marreuil (Mireille Darc), copie conforme des bien réelles confidentes radiophoniques Ménie Grégoire et Macha Béranger mais aussi ancienne call-girl et désormais fiancée à un ministre important, Georges de La Motte-Brebière (Jean-Pierre Darras) ; enfin un prêtre, Phalempin (l’épouvantable Sim), éducateur de jeunes chanteurs le jour et travesti grotesque la nuit. Au demeurant la prestation de cet histrion déguisé en libellule est une des choses les plus infâmes que j’ai jamais vue.

Partant de ces prémisses folles, de ces personnages voluptueusement conçus, Audiard pense qu’il n’a plus qu’à filmer leurs interactions catastrophiques et détonantes ; et de fait la façon dont il les met en contact et surtout en position de se faire chanter les uns les autres jusqu’à instituer une sorte de racket circulaire à prolongation potentiellement infinie n’a pas beaucoup d’importance dans la farce. On admet facilement que le petit caissier fasse chanter la célèbre présentatrice de télévision qui, elle-même a prise sur le prêtre travesti, qui à son tour rançonne l’employé de banque. C’est même assez amusant.

 Mais une fois qu’on en est là, au bout de moins d’une demi-heure de film, on ne sait plus comment faire avancer l’intrigue et malgré les bons mots et l’intervention de quelques personnages pittoresques et souvent bien venus – par exemple Janou (délicieuse Catherine Samie, copine de Francine du temps où elles courraient l’une et l’autre les ballets roses de l’excellent député socialiste André Le Troquer, dernier président de la Chambre de la IVème République) – ne suffit pas. Alors Michel Audiard en rajoute quelques louches , comme le manège sexuel de Liéthard/Blier qui se donne des sensations en se faisant surprendre et cogner par le mari (Jean-Marie Rivière) de sa maîtresse (rétribuée) Lucette (Micheline Luccioni) : voilà qui peut marcher une fois, mais qui, répété, agace… La conclusion vient n’importe comment ; on a l’impression que les acteurs ont passé un bon moment, qu’ils ont touché un bon cachet et qu’ils reviendront la prochaine fois ; le spectateur, toujours aussi séduit par le talent grognon de Bernard Blier et la gracieuse chute de reins de Mireille Darc en a d’ailleurs fait autant pendant un bon moment…

 

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