Fahrenheit 451

Vertueux ratage.

Drôle d’idée qu’a eue François Truffaut de tourner Fahrenheit 451 qu’on ne peut pas considérer comme une de ses grandes réussites et où on ne reconnaît guère le talent du cinéaste dont la meilleure inspiration concerne les relations – multiples, complexes, heureuses et malheureuses – avec les femmes et, d’une certaine façon, le monde de l’enfance. La science-fiction n’est en tout cas pas son truc.

Il est vrai qu’on peut se demander si Ray Bradbury est un véritable auteur de science-fiction, malgré sa renommée en ce domaine et le fait qu’il ait été édité en France par la collection qui fait référence en ce domaine, Présence du futur chez Denoël ; la science-fiction est multiforme, c’est vrai et ses territoires font le grand écart, entre la hard science à la Van Vogt et les confins de l‘heroïc fantasy en passant par de diverses et riches orientations… Mais enfin Bradbury écrit il me semble plutôt du conte philosophique (comme Jonathan Swift, par exemple) que de la SF proprement dite. Je conçois qu’on peut tout à fait me contester cela.

En tout cas, le conte philosophique, parce qu’il est forcément et éminemment conceptuel, est difficilement adaptable au cinéma. Je sais bien que l’assez limité Norbert Carbonnaux a tourné, en 1960, un Candide, adapté de Voltaire, avec Jean-Pierre Cassel et Pierre Brasseur, mais ça n’a convaincu personne. Il doit y avoir d’autres exemples. N’empêche que Fahrenheit 451 m’a semblé d’une lourdeur, d’un didactisme et d’une prétention très largement insupportables. Ça m’a fait penser à un des plus mauvais films de Louis Malle, pareillement ennuyeux, Black moon où l’on se perd entre les vertueuses intentions.

Car pour être vertueux, Fahrenheit 451 l’est, ô combien ! Parabole sur le totalitarisme, aussi bien le nazisme (prévalence continue des trois couleurs noir, rouge, blanc, qui sont celles du drapeau boche) que le communisme (car le livre est facteur des inégalités sociales et il est en cela haïssable), le film présente une société future où on brûle les livres pour donner à la télévision décérébreuse la maîtrise exclusive des cerveaux. Vieux truc qui marche toujours aussi bien et que mes chers Romains avaient synthétisé en une formule aussi actuelle aujourd’hui que naguère : Panem et circenses. Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme, comme dit l’autre.

Déjà que j’avais trouvé à Oskar Werner une invraisemblable tête à claques dans le très surévalué Jules et Jim où il interprétait avec beaucoup de naturel le cocu de l’histoire, voilà que sa face mièvre, chlorotique, construite en mie de pain, envahit l’espace ; sa fragilité et son insignifiance, son manque d’épaisseur sont, pourra-t-on m’objecter, un atout pour interpréter Montag, le pompier incendiaire qui est touché par la grâce et qui finit par fuir le monde affreusement meilleur où il sévissait. Mais je suppose que François Truffaut avait quelque chose à régler avec Julie Christie qui avait quelque notoriété à l’époque, après avoir joué dans le grand succès Docteur Jivago : on ne peut expliquer autrement sa présence.

Toujours est-il que cette languissante et bien pensante transposition me semble aujourd’hui largement oubliée. À juste titre.

 

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