Frenzy

18984610Miracle ! Un Hitchcock réussi !

Je ne suis pas loin de penser que Frenzy est un des meilleurs films d’Alfred Hitchcock et en tout cas un de ceux qui m’ont le plus intéressé. Si je mets à part l’excellent Psychose, il n’y a guère en effet que L’ombre d’un doute et L’homme qui en savait trop qui me paraissent être au niveau de l’étourdissante réputation d’un cinéaste encensé par beaucoup, mais très souvent plat, graveleux et décevant.

Et Frenzy, donc. Il est certes vrai qu’avec des histoires de maniaques sexuels tueurs en série, on a pratiquement toutes les chances de capter l’attention de l’honnête amateur de frissons, mais celle-ci, enrichie d’humour noir, est bien pimpante. Recette éprouvée assaisonnée encore par le délicieux épice du malheureux garçon que toutes les apparences accablent et qui, au fur et à mesure qu’il se débat dans les sables mouvants, s’y englue davantage. Le procédé n’est pas neuf, mais demeure d’une belle efficacité.

frenzyHitchcock joue bien un peu au début à entraîner le spectateur sur une fausse piste en présentant ses protagonistes et en pouvant laisser croire ab initio que l’ancien aviateur Dick Blaney (Jon Finch), désormais dans la dèche, mais toujours colérique, est l’étrangleur à la cravate et que le fruitier maniéré et élégant Bob Rusk (Barry Foster) est un brave type qui ne nourrit pour Dick qu’une amitié qui pourrait n’être pas chaste. Mais l’histoire bifurque assez vite et assez brutalement.

Dès l’excellente et spectaculaire scène du (presque) viol et du (bien complet) assassinat par le calamistré Bob, qui ne peut trouver de plaisir physique que dans le meurtre, de Brenda (Barbara Leigh-Hunt), ex-femme de Dick, on perçoit bien tous les emmerdements qui vont s’accumuler sur la tête du malheureux suspect innocent.

frenzyrapeC’est un des grands plaisirs du spectateur, confortablement calé dans son fauteuil devant son écran, que de contempler, omniscient, les malencontreux efforts du faux coupable et de guetter, avec un certain voyeurisme, les effroyables développements de l’intrigue. Un peu comme lorsqu’au théâtre de Guignol les enfants avertissent la gentille marionnette de l’arrivée en fond de scène du malandrin (ou du loup, ou du gendarme, d’ailleurs), on a envie de crier à la malheureuse Babs (Anna Massey), nouvelle amante de Dick, de ne surtout pas se fier à l’enjôleuse invitation de ce coquin de Bob qui va sûrement la zigouiller, ça ne fait pas un pli. Et de fait, ça n’en fait pas un.

Ce scénario aux recettes éprouvées serait excellent s’il était débarrassé de ses vingt dernières minutes, l’évasion farfelue et la réhabilitation de Dick et parallèlement le dévoilement du vrai tueur. Je dois dire qu’un unhappy end m’aurait particulièrement plu ; il aurait laissé la police dans l’embarras, les meurtres à la cravate se poursuivant, ne pouvant alors plus être prêtés à Dick, désormais sous les verrous (mais peut-être à un admirateur du procédé ?)… Est-ce que ça n’aurait pas été plus gentil ainsi ? Enfin !

frenzy-5Il y a plusieurs séquences rigolotes, empreintes d’un humour noir qui me semble typiquement britannique (au lieu d’aller se perdre à Hollywood, Hitchcock aurait sans doute mieux fait de rester en Europe) et l’apologie du breakfast anglais et les scènes où l’Inspecteur de police Oxford (Alec McCowen) se débat avec la ragougnasse de sa femme (Vivien Merchant) quoiqu’un peu répétitives sont très drôles.

Ah ! Dût la chose chagriner les porcelets qui sommeillent en beaucoup, il faut que je précise, après visionnage du supplément du DVD, que les furtives nudités entrevues ne sont pas celles des actrices majeures (Barbara Leigh-Hunt et Anna Massey), mais, comme souvent, celles de mannequins ad hoc : c’est explicitement dit. Et ça n’a pas beaucoup d’importance. Beaucoup moins que la présence magnétique de Billie Whitelaw qui interprète la femme méfiante du vieux camarade de Dick en fuite qui l’héberge à regret ; quatre ans après elle sera la nurse maléfique, dévouée jusqu’à la mort du démon de La malédiction : un visage inoubliable.

Leave a Reply