Kill Bill – volume 2

Le grand méchant loup

J’ai lu quelque part que, dans l’esprit de Quentin Tarantino, il ne s’agissait pas primitivement de concevoir deux films et que tout aurait dû être d’un seul tenant. Mais au regard de la complexité de l’histoire la durée présumée a dû effaroucher les producteurs. D’où le parti de diviser en deux le récit. D’où, sans doute aussi, la volonté du réalisateur de varier les orientations cinématographiques tout en employant exactement les mêmes matériaux scénaristiques. En d’autres termes d’utiliser pour le second opus la veine du western spaghetti après avoir largement usé de celle du chambara nippon dans le premier. Je ne m’en plains pas, ayant bien davantage de goût pour la première que pour la seconde et y trouvant notamment bien plus de richesses potentielles. Et cela même si je reconnais volontiers que les chorégraphies orientales, avec les sabres ou les poings et les pieds sont très spectaculaires, tout au moins quand elles ne dépassent pas cinq minutes ; car ce ne sont que des chorégraphies.

Comme la structure du double film est continuellement chahutée – et avec talent et élégance – Kill Bill volume 2 ne commence pas là où son grand frère avait laissé le spectateur. La mariée (Uma Thurman) venait gentiment d’indiquer à Sofie Fatale (Julie Dreyfus), à qui elle avait déjà tranché un bras qu’elle allait continuer à la découper pour obtenir les renseignements nécessaires à sa vengeance. Et sur les dernières images, on entendait Sofie (peut-être réduite à l’état de femme-tronc ?) interrogée par Bill.

Volume 2 : flashback où l’on repart plus de quatre années en arrière, avant même la scène qui ouvrait le premier film sur la figure défoncée de l’héroïne. On va assister au massacre initial et on va voir enfin le visage de Bill (David Carradine). Les choses se mettent en place et au fur et à mesure que le film avancera, seront gommées les interrogations et zones d’ombre dont Tarantino a parsemé son film ; ce n’est ainsi que dans l’avant-dernière partie que l’on apprendra pourquoi et comment Elle Driver (Daryl Hannah) a perdu son œil juste avant de se faire arracher le second.

Le film progresse de manière un peu chaotique, toutefois, avec des morceaux plutôt disparates ; on a l’impression que le réalisateur a absolument voulu caser tout un paquet de scènes à quoi il tenait ; et ça peut être démesurément long comme ce passage dans l’ermitage du maître du kung-fu Pai Mei (Liu Chia-hui), même s’il comporte quelques morceaux jubilatoires et quoique la manie du vieillard de se caresser sa fine barbe blanche soit insupportable. Mais il y a quelques morceaux de sauvagerie plutôt bienvenus : on sait bien que La Mariée – qu’on va enfin appeler de son vrai nom, Beatrix Kiddo – va s’en sortir mais on tremble avec elle lorsque cette bête brute de Budd (Michael Madsen) l’enterre vivante. Et on ne déteste pas la bagarre féroce entre Beatrix et Elle et l’énucléation de la déjà borgne, tout cela pendant que Budd, mordu par un redoutable serpent mamba noir agonise. En revanche les retrouvailles finales entre Bill et Beatrix sont interminables.

Qu’est-ce que je pense, en définitive, après avoir vu l’un après l’autre les deux films ? Qu’il y a des tas de choses intéressantes mais que l’aspect fourre-tout peut exaspérer. Comme peut exaspérer cet océan de violence, de tortures et de sadisme. Et je suis aussi agacé que la personnalité de Bill – l’envoûtement qu’il exerce sur les femmes – ne soit pas creusé. D’où vient Bill ? Qui est-il ? Comment a-t-il formé le Détachement International des Vipères Assassines ? Je n’en suis pas à souhaiter un film de préquel qui expliciterait tout cela, mais Tarantino aurait tout de même dû ouvrir quelques pistes.

J’entends bien qu’à la fin Bill expose à Beatrix que, comme lui, elle fait partie de la race des tueurs ; est-ce suffisant ? En tout cas, ce qui est glaçant et particulièrement bien venu, c’est qu’on comprend bien que leur fille BB (Perla Haney-Jardine) qui n’a encore que 4 ans est aussi de cette même engeance… L’avenir s’annonce radieux.

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