Le mouton enragé

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Rose et gris

Sans doute le meilleur film de l’inégal Michel Deville avec Raphaël ou le débauché

Ce jeu de manipulations, ce marivaudage brûlant est drôle, élégant, cruel, effilé, cynique… troublant aussi. Il y a du brio, du mépris, du désespoir. Ce n’est pas très gai et c’est très féroce. C’est une sorte d’épisode des Liaisons dangereuses joué au début du dernier quart du dernier siècle. D’ailleurs, ça fait penser irrésistiblement à la fin du 18ème siècle, à une société qui danse avec raffinement et désenchantement sur un volcan. Et ça finit mal. Comme le 18ème siècle.

Romy Schneider est dans l’éclat éternel de sa beauté. Jean-Louis Trintignant est un jouet qui a l’intelligence de ne pas se rebeller. Jean-Pierre Cassel est le démiurge. On verra que ce qui le pousse à l’être n’est pas rose.

Ou alors, rose et gris. Comme le 18ème, vous dit-on !

Revu l’autre jour, Le mouton enragé a conservé effectivement toute sa force de percussion et l’habileté cruelle de son scénario ; toutefois, j’éprouvais en regardant une insatisfaction que j’ai mieux comprise en lisant l’excellente analyse d’un excellent critique : réalisation plate, heurtée, sans grâce, photo terriblement « téléfilm », et montage fatigant par ses plans inutilement trop courts, et ses effets d’un autre âge.

 C’est tout à fait cela : c’est mal filmé, et c’est très dommage, car, avec un peu plus de qualité dans ces domaines essentiels de la cinématographie, je crois qu’on ne serait pas loin du chef-d’œuvre.

La noirceur du film m’est encore mieux apparue, et c’est une prouesse que de l’avoir fait monter ainsi au cours de scènes dont beaucoup sont d’apparence légère, voire comique, mais où on sent pourtant gronder une sorte d’horreur méchante.

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