Nikita

Bonjour tristesse…

On comprend assez bien comment et pourquoi Nikita a été un très grand succès public et a propulsé Luc Besson, après le débile et ambigu Grand bleu, au premier rang de la production française et au rôle de grand manitou moral de ce que l’on n’est plus absolument obligé d’appeler du cinéma ; c’est bien davantage du spectacle destiné aux multiplexes de banlieue, à leurs populations bruyantes et décérébrées, nourries de seaux de pop-corn et abreuvées d’hectolitres de Coca-Cola. En d’autres termes, ça a autant de rapport avec le septième art que les graffeurs à la bombe de peinture agressive en ont avec Véronèse.

Une fois ces choses dites, qui sont pourtant évidentes et élémentaires, on peut ne pas bouder son plaisir devant ce genre de spectacle voyant et je ne cache pas avoir naguère apprécié Léon, qui n’était pas mal fichu, avec un Jean Reno à la limite de la débilité, une Natalie Portman qui ne manquait pas de talent et un Gary Oldman qui en avait déjà à revendre.

Je ne dis pas que Nikita est sévèrement plombé par ses acteurs : Tchéky KaryoJean-Hugues Anglade font le job et on aperçoit ici et là des figures qu’on aime bien, Jacques BoudetRoland Blanche et même, presque méconnaissable, à quelques jours de sa mort, Jean Bouise au crâne pelé par le cancer. Évidemment il y a l’épouvantable Anne Parillaud qui reçut pour ce film, paraît-il, un César pour sa prestation glapissante et hystérique et qui a heureusement disparu du paysage cinématographique mondial où elle n’était apparue qu’en qualité de compagne de grandes vedettes (Alain Delon, puis Luc Besson, puis Jean-Michel Jarre ; on ne cite que les officiels ; c’était la minute Gala de votre vieil Oncle Impétueux).

Je n’ai pas compris grand chose de ce qui se passe dans Nikita ; le conspirationnisme voluptueux qui prétend montrer aux populations le dessous des cartes et la vie des agents sans morale qui veillent sur la malfaisance structurelle et intrinsèque de l’État a de beaux jours devant lui (et l’affaire Benalla ne va pas arranger les choses, c’est le moins que l’on puisse dire). On ne sait pas trop pourquoi les agents de l’officine mystérieuse qui pilote Nikita font tuer celui-ci plutôt que celui-là. Voilà un point de vue, un parti-pris qui serait fort intelligent et bien venu dans un film pour adultes dotés d’un minimum de références : le monde du secret est d’une telle complexité qu’on n’a pas à y aller quérir des raisons et des explications : on obéit, c’est tout, à ceux à qui on a décidé d’obéir, qui vous emploient et qui vous payent. Mais dans un film pour adolescents sans espérance ni avenir qui font le gros du public de Luc Besson, on devrait pouvoir un peu décortiquer les choses.

Il est vrai que les spectateurs se fichent un peu de comprendre, ravis qu’ils sont par les gros plans sur les visages, les images qui vous éclatent en pleine figure et les dialogues qui paraissent issus des meilleures répliques de Jamel Debbouze. Et la violence, les gros moyens, les images bleutées qui font penser aux films de Jean-Jacques Beineix, quelques irruptions dans ce que les racailles croient être la grande vie (la séquence au Train bleu de la gare de Lyon)… Tout ce qui fait que Nikita a marché, que Le cinquième élément, que Jeanne d’Arc (à hurler de haine et de mépris), que Lucy ont marché.

Je m’énerve pour peu de choses. Tout ça manque tellement d’intérêt…

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