Pétain

Marchons sur des œufs.

Un peu compliqué d’évoquer le film de Jean Marbœuf sans risquer d’engager des polémiques désagréables mais surtout très vaines. Essayer de ne pas entrer, ou le faire le moins possible sur les jugements de valeur, l’accablement du personnage historique ou sa célébration ; et pas davantage sur l’interprétation factuelle des événements, que nous n’avons ici pas ou peu de pertinence à commenter en l’appuyant ou en la contestant.

Surtout se rappeler le pénétrant aphorisme d’Anatole France (dans L’anneau d’améthyste) : La postérité n’est impartiale que si elle est indifférente. Et ce qui n’intéresse plus elle l’oublie. En d’autres termes on ne jugera avec sérénité le régime de Vichy, son chef et ses hommes marquants que dans quelques millénaires, lorsque tout le monde s’en tapera le coquillard.

Pétain est adapté de la biographie écrite par Marc Ferro, qui n’est pas précisément un historien insignifiant et dont l’engagement avec une gauche plutôt patriote (soutien de Chevènement en 2002, de Ségolène Royal en 2007) ne semble pas particulièrement sectaire. Le film a la grande qualité de présenter ses deux personnages principaux avec une certaine hauteur de vue. Et à ce jeu là, la cohérence est du côté de Pierre Laval au détriment du Maréchal, présenté comme une sorte de vieille ganache aigrie, dépassée par un Destin trop grand pour elle et bénéficiant d’une suite invraisemblable de coups de chance  pour parvenir à la tête de l’État alors qu’elle était à quelques semaines de passer en deuxième section lors de l’éclatement de la guerre de 14. Vieillard égoïste et sans vision perspective, mais d’une étonnante prestance physique (et d’une grande verdeur), il a ses haines et ses obsessions, mais il n’a jamais passé pour être une tête politique.

 Le film de Jean Marbœuf montre de façon plutôt intéressante cette singularité. Jacques Dufilho y est parfait, au delà de la ressemblance physique, grognon, têtu, irascible, prétentieux, velléitaire. Mais que dire de Jean Yanne en Président Laval, matois, retors, gluant, vaguement rastaquouère, qui donne toujours l’impression de n’être pas très propre, malgré ses cravates de piqué blanc ? Le choix des deux interprètes est vraiment une réussite.

C’est malheureusement sans doute la seule qualité du film, même si elle est éclatante. C’est tourné absolument comme un machin télévisé, avec les mêmes teintes terreuses et l’absence de toute inventivité de mise en scène. Les personnages sont en profusion et je plains le spectateur peu renseigné sur la période lorsqu’il voit se succéder à l’écran des kyrielles de silhouettes à l’importance très diverse, de l’entourage du Chef de l’État (Dumoulin de Labarthète/Jean-Claude Dreyfus, le docteur Ménétrel/Christian Charmetant, René Gillouin/Jean-François Perrier), de figures historiques (Paul Reynaud/Denis Manuel, Georges Mandel/Vincent Grass, Léon Blum/Georges Montant), des chefs de la Collaboration active (Jacques Doriot/Éric Prat, Marcel Déat/Jean-Pierre Hutinet, Joseph Darnand/Max Morel).

Et puis des trucs périphériques inutiles : l’orchestre dirigé par Jean-Pierre Cassel, les éclairages donnés au petit peuple de l‘Hôtel du Parc, dont la figure révoltée de François (Clovis Cornillac). Je sais qu’il est bien vu au cinéma de mélanger la grande Histoire et la vie quotidienne, prétendument pour donner un peu de chair aux grandes passions, mais vraiment ça ne fait qu’alourdir le récit et le rendre prétentieux.

Ce n’est pas désagréable. De là à dire que c’est suffisant !!

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