Si j’étais le patron

Le cinéma en pantoufles chaudes.

Richard Pottier est un cinéaste bien oublié aujourd’hui mais on peut mettre à son actifs plusieurs grands succès, Mademoiselle Swing en 1942, Les caves du Majestic en 1944, Barry en 1949 ou Caroline chérie en 1951 et même un très très bon film, Meurtres ? en 1950 avec un Fernandel persécuté par sa malfaisante famille. Cela dit on a bien pris conscience que Si j’étais le patron est sa première réalisation et qu’il était nécessaire qu’il se fît les crocs. Mais on pouvait tout de même attendre mieux d’un film interprété par Fernand Gravey, déjà expérimenté et Mireille Balin dont, il est vrai, c’était un des premiers rôles. Il n’y a guère que Max Dearly qui soit impeccable, avec son œil qui frise, qui est aussi crépitant et diabolique que Olivier Barrot et Raymond Chirat le décrivent dans Les excentriques du cinéma français (la Bible que devraient posséder, lire et relire tous ceux qui s’intéressent au 7ème art).

Il est vrai que l’intrigue, pour ingénieuse qu’elle est, est tout de même assez limitée et surtout qu’elle s’étire de façon assez fuligineuse pendant plus de 100 minutes, ce qui est notablement beaucoup trop pour ses frêles épaules. Les dialogues (ou une partie d’entre eux) sont de Jacques Prévert, mais on ne reconnaît pas encore son ton, pourtant déjà habile dans L’affaire est dans le sac, tourné deux ans plus tôt. On voit, dans un troisième rôle Pierre Larquey en vieil ouvrier bougon surtout attaché à son kil de rouge et un peu davantage Charles Dechamps, ingénieur incapable désireux de poser ses pattes sur Mireille Balin, on aperçoit, en profils perdus Madeleine GuittyAnthony Gildès, Pierre Palau (celui-ci dans le rôle assez pénible d’un nabab étasunien qui fera la fortune du jeune ouvrier inventeur d’un silencieux extraordinaire pour automobiles).

Car c’est de ceci qu’il s’agit : une usine de voitures, encore presque artisanale, comme il en existait encore beaucoup au début des années Trente, des ouvriers rigolards et respectueux de la hiérarchie, un contremaître déférent (Pierre Darteuil) dont la fille Marcelle (Mireille Balin, donc) est la secrétaire du Directeur général Leroy (Georges Vitray), qui est courtisée par l’ingénieur Sainclair (Charles Dechamps). Mais Marcelle en pince, évidemment, pour le jeune Henri Janvier (Fernand Gravey), sorte de titi parisien beau garçon toujours de bonne humeur et excellent technicien.

Il y a aussi un conseil d’administration composé de bestioles aussi ridicules que puantes, où apparaît rarement l’actionnaire majoritaire et richissime, Maubert (Max Dearly). Maubert est un hédoniste fantaisiste et charmant qui fortuitement se prend d’amitié pour le jeune Janvier et l’impose à la tête de l’usine, qui se porte fort mal et sera naturellement sauvée par la géniale invention silencieuse de son nouveau patron. Je passe les détails.

Quelques bons moments, notamment la fête ouvrière organisée à la suite d’un gain de 10.000Fr à la loterie et que Janvier convainc ses camarades d’utiliser pour faire la nouba plutôt que de mesquinement répartir la somme : c’est exactement ce qui va se passer (à un tout autre niveau) dans La belle équipe : on sent percer les charmantes utopies ouvriéristes (il y a aussi un peu de ça dans Le crime de Monsieur Lange) mais ça n’est pas le moins du monde agressif, ni même revendicatif. Gentil film pour amateurs rassis de la France de jadis….

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