Stanley Kubrick, une vie en images

Les sommets du cinéma.

Pour qui tient, comme c’est mon cas, Stanley Kubrick comme le plus grand réalisateur du cinéma de tous les temps, très au delà de tous les autres par l’extraordinaire homogénéité de sa production, par la constance stupéfiante de son génie de la mise en scène, Une vie en images est une récapitulation un peu scolaire, mais utile de l’œuvre.

Œuvre courte, non parce qu’il la voulait telle, mais parce qu’il était lent et le déplorait, attachant à tout un soin si obstiné qu’il devenait proche de la maniaquerie, voulant tout voir, tout contrôler, tout surveiller, vivant le cinéma chaque heure de sa vie. Treize films en 46 ans, treize en incluant Fear and desire que Kubrick ne souhaitait pas inclure dans sa filmographie et qui a été néanmoins édité et dont on pourrait presque retirer la moitié de Spartacus, dont il n’a pas été entièrement responsable.

Surtout des intervalles de plus en plus longs entre deux réalisations : trois ans entre 2001 et Orange mécanique, puis quatre pour Barry Lyndon, cinq pour Shining, sept pour Full metal jacket, douze pour Eyes wide shut.

Aurait-il tourné, au 21ème siècle, un de ses projets inaboutis, le grand Napoléon qu’il méditait depuis des décennies (et, le connaissant, on sait qu’il n’aurait pas introduit dans le récit la moindre approximation), ou Aryan papers, s’il n’était pas mort d’une crise cardiaque le 7 mars 1999 ? Va savoir ! Je ne trouve pas absolument sans signification le fait que le cinéaste ait disparu à l’extrême fin du siècle du cinéma, avant qu’on puisse se demander, comme on le fait aujourd’hui, si le 7ème Art a encore de l’avenir, au moment où le goût des effets spéciaux et des interminables séries envahit peu à peu l’imaginaire des spectateurs.

Une vie en images est un cheminement purement chronologique qui fait alterner images des films ou images des tournages et brèves interventions, quelquefois anecdotiques. Certaines viennent de la femme du réalisateur ou de ses collaborateurs les plus proches ou les plus fidèles : Jan Harlan, producteur exécutif, Leon Vitali, assistant personnel (après avoir été le jeune Lord Bullingdon de Barry Lyndon), György Ligeti ou Wendy Carlos, les musiciens, Ken Adam ou Douglas Trumbull, les décorateurs (l’un de Dr. Folamour et de Barry Lyndon, l’autre de 2001). D’autres des acteurs : Peter Ustinov (Spartacus), Keir Dullea (2001), Malcolm McDowell (Orange mécanique), Jack Nicholson et Shelley Duvall (Shining), Matthew Modine (Full metal jacket), Nicole Kidman et Tom Cruise (Eyes wide shut) ; on regrette toutefois de ne pas pouvoir entendre Peter Sellers, bien trop tôt disparu (en 1980) pour Lolita et Dr. Folamour

Mais le meilleur des propos est tenu par d’autres cinéastes qui tous, disent l’admiration éperdue qu’ils avaient pour Kubrick : aussi bien Steven Spielberg que Woody Allen, Alan Parker que Sydney Pollack, tous reconnaissent sa maîtrise absolue.

Et nul ne méconnaît ni son égotisme, ni la lucidité pessimiste de sa pensée profonde : je ne sais plus où j’ai trouvé cette citation du cinéaste : L’âge de l’alibi, dans lequel nous nous trouvons, a commencé avec le postulat de Rousseau dans L’Émile : la nature m’a fait heureux et bon, si je suis autrement, c’est la faute à la Société. Ce postulat repose sur deux idées fausses : que l’Homme dans son état naturel était heureux et bon, et que l’Homme primitif n’avait pas de société. Les meilleurs philosophes réactionnaires ne disent pas mieux.

Encore une raison d’aimer Kubrick.

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