Teddy

La règle du jeu.

Je ne suis pas très féru d’histoires de loups-garous, je l’ai dit cent fois. La fatalité qui tombe comme une enclume sur le dos d’un pauvre type qui n’y peut pas grand chose et qui l’entraîne fatalement à devenir de temps à autre une bête immonde me semble un procédé assez facile. Ou plutôt beaucoup moins séduisant que l’horreur volontairement choisie en fascination pour le Mal par des personnages pleinement conscients qu’ils fricotent avec Satan et qu’ils le rejoindront dans la géhenne infernale. Cela dit, toute orientation nouvelle sur un mythe, tout regard posé avec originalité sur une histoire dont le dénouement affreux est prévisible mais les moyens de l’atteindre inédits est intéressant.

C’est pourquoi Teddy vaut la peine d’être découvert. Le film présente bien des maladresses, des incohérences et des insuffisances, mais il a le grand mérite d’être rythmé et sauvage. Et surtout de s’appuyer sur ce qu’on pourrait appeler le milieu rural profond, bien qu’il se déroule aux alentours de la commune du Boulou, dans les Pyrénées Orientales, qui n’est pas si petite que ça (un peu plus de 5000 habitants). C’est vraiment cela qui est assez fascinant : la caméra des frères Ludovic et et Zoran Boukherma s’insinue avec une bien réjouissante absence de pudeur dans la pesanteur minable du village.

Je trouve plutôt pertinent que les réalisateurs aient choisi pour incarner leurs personnages des acteurs au physique plutôt commun et qu’ils aient même sûrement accentué leur médiocrité : il y a une scène où Teddy Pruvost (Anthony Bajon) et sa petite amie Rebecca (Christine Gautier), après s’être envoyé en l’air, bavardent, apaisés, sur le lit de leur plaisir ; l’image montre deux adolescents vraiment moches, presque boutonneux, la fille, au visage grêlé, étant de surcroît affligée d’un appareil orthodontique multi bagues particulièrement repoussant. Les parents de la donzelle, qui semblent connaître une certaine prospérité matérielle, ne sont pas bien contents que leur fille soit acoquinée avec un garçon primaire, inculte, déscolarisé, violent. Et qui vit dans la bizarre compagnie de son oncle bizarre Pépin Lebref (!!) (Ludovic Torrent, excellent) et de sa grand tante, complétement gaga, qu’il faut nourrir à la cuillère.

Et puis Teddy, parce qu’il faut bien vivre et que le Pôle emploi local ne lui a trouvé que ça, est, pendant des soirées qui doivent durer longtemps, masseur dans l’étrange salon de Ghislaine (Noémie Lvovsky). Un salon à la limite de la coquinerie, où les notables locaux viennent chercher des sensations. À dire vrai j’ai l’impression que les réalisateurs qui avaient obtenu le concours de l’actrice, qui est de quelque notoriété, ont dû lui trouver un emploi et greffer à leur propos une intrigue qui n’apporte rien, malgré la qualité toujours épatante de cette excellente comédienne.

Parallèlement à cette étude du sordide campagnard, il y a, en broderie, l’insertion d’une question bien actuelle : les bergers de la contrée sont exaspérés par les saignées que les loups font subir à leurs troupeaux. Les loups, dont on avait eu bien du mal à se débarrasser depuis un siècle et qui ont été réintroduits par nos seigneurs les écologistes, égorgent, éventrent, déchirent à qui mieux mieux les brebis sans défense.

Mais est-ce un loup qui, un soir où Teddy, alerté par on ne sait quoi, s’est jeté à poursuivre quelque chose dans les fourrés touffus qui sont devant sa maison, l’a mordu ? Mordu ou infecté ? On ne sait pas trop, mais on comprend bien vite qu’un processus est engagé et qu’il ne va évidemment pas s’interrompre comme ça. Le déroulement du film est donc, à partir de ce moment-là, absolument prévisible au gré des transformations que subit Teddy et de son inéluctable basculement vers la sauvagerie sanglante. Jusqu’au massacre de toute une salle de joueurs de loto, jusqu’à la traque et l’exécution de Teddy. Là-dessus rien de neuf.

Le film est maladroit, trop coloré, à musique emphatique, souvent cousu de bric et de broc mais il se laisse regarder sans ennui à proportion qu’il montre une sorte de crasse villageoise qui doit être assez proche de la réalité. Gardons nous des croquemitaines !

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