Tuez Charley Varrick !

Quelques jours au Nouveau Mexique.

Lorsqu’on lit dans le texte de présentation du DVD que le film est une irrésistible mécanique de précision et une référence absolue du film policier, que l’on prend connaissance aussi des appréciations flatteuses d’amateurs de qualité, on est en droit de s’attendre à un spectacle nerveux, passionnant, inventif, plein de suspense et d’angoisse. On a convenablement apprécié la réalisation précédente de Don Siegel, qui est L’Inspecteur Harry, premier titre d’une longue série et on pense retrouver dans Tuez Charley Varrick !, le visage trouble de Andrew Robinson, affreux Scorpio opposé à Harry (et plus tard affreux Harry Cotton de Hellraiser, film démoniaque qui n’a pas que des défauts). Et puis on se dit qu’il doit bien avoir des rapports entre Tuez Charley Varrick ! et l’admirable cruel Apportez moi la tête d’Alfredo Garcia de Sam Peckinpah,

Mais qu’est-ce qu’on déchante rapidement ! Je porte au crédit du film de Don Siegel le premier quart d’heure, vif et violent. Attaque d’une petite banque dans un coin perdu du Nouveau Mexique où la bande étriquée de Charley Varrick (Walter Matthau) s’empare d’un magot en massacrant employés récalcitrants et policiers imprudents. Ce sont des malfrats de petite envergure et ils laissent sur le terrain un complice et Nadine (Jacqueline Scott), la femme chérie de Varrick, qui se retrouve dès lors seul avec Harman Sullivan (Andrew Robinson), type alcoolique et douteux à qui il ne fait guère confiance.

Manque de pot, si l’on peut dire : au lieu d’être un honnête petit butin à la mesure de la bande, de ses moyens et de ses ambitions, le magot est considérable : les truands se sont emparés, sans le vouloir, d’une énorme somme appartenant à la Mafia, mise au vert, si on peut dire dans la petite banque, grâce à la complicité du directeur de l’établissement et de son supérieur Maynard Boyle (John Vernon). Autrement dit, les deux malfrats vont être poursuivis à la fois par la police et par les maffiosis. L’idée de départ est plutôt excitante.

D’autant que l’homme chargé par le grand banditisme de récupérer les 750.000 $ envolés est une vraie trouvaille : un type calme, pondéré, glaçant, impeccablement vêtu d’un complet de couleur sable, perpétuel fumeur de pipe, qui traque avec méthode Varrick et Sullivan et dont on sent dans tous les gestes et les expressions l’infinie cruauté ; ce personnage de Molly (Joe Don Baker) fait irrésistiblement songer à Anton Chigurh (Javier Bardem) dans No country for old men des frères Coen en moins massif, mais tout autant marmoréen. Dès que Molly apparaît sut l’écran, le film prend de l’épaisseur et de l’intérêt, dès qu’il le quitte on tombe au milieu d’une histoire fuligineuse, paresseusement racontée, suite de séquences mal rapiécées et mal liées entre elles. Ça va cahin-caha jusqu’à une interminable séquence finale de lutte entre Varrick (en monoplan) et Molly (en voiture) qui est un des trucs les plus ridicules et poussifs que j’aie vus au cinéma.

Et puis la catastrophe de l’acteur principal, Walter Matthau, sorte de lourdingue histrion à la Jerry Lewis (dont il a d’ailleurs un peu le physique), voué de toute éternité à des rôles de troisième plan dans des films comiques ou légers (y compris d’excellents : Charade de Stanley Donen) et qui oscille ici entre une désinvolture mal jouée et une absence de scrupules peu vraisemblable.

Bref, un très ennuyeux mauvais film qui aurait bien mérité d’être abandonné à l’oubli…

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