Un homme de trop

… Ne fait pas le compte.

Une note inférieure à la moyenne, mais une note de faveur parce que les films sur ce qu’on pourrait appeler La vie quotidienne des maquis français ne sont pas très nombreux (à dire vrai, je n’en vois pas) et que Un homme de trop a au moins ce mérite. Mais ce mérite reconnu et l’hommage fait ainsi à l’Histoire, je ne vois pas trop ce qu’il y a à retenir de ce capharnaüm touffu dont n’émerge aucun personnage marquant.

Car – et voilà un sacré paradoxe – le film de Costa Gavras est constellé d’acteurs ; grands acteurs (Charles Vanel, Michel Piccoli, Bruno Cremer, Jean-Claude Brialy, François Périer) ou seconds rôles qui peuvent être formidables (Gérard Blain, Jacques Perrin, Claude Brasseur, Albert Rémy, Claude Brosset, d’autres encore…) Et pour autant, aucun ne se détache, aucun ne retient, aucun ne touche, ou à peine.

C’est assez curieux parce que dans ce genre de films où sont réunis des hommes dans une aventure commune mais chacun avec sa personnalité, il faut précisément donner un éclairage sur tous pour que le spectateur s’y intéresse. Comparaison n’est pas raison mais, pour rester dans la Guerre et la Résistance, regardez le début de Marie-Octobre : en quelques traits, deux images, trois mots, les protagonistes sont croqués, caractérisés, identifiés. Caricaturés, si l’on veut, mais en tout cas reconnaissables.

Rien de tout cela dans Un homme de trop : pléthore de personnages mais dont on ne sait et ne saura rien ; tout au plus, au début du film y a-t-il un très bref échange entre Cazal, le chef du groupe (Bruno Cremer) et un des hommes, Paco (Antonio Segurini) : Tu te souviens, à Barcelone ? qui fait évidemment allusion à la guerre d’Espagne. C’est tout, il me semble. Quels sont les métiers de ces combattants, d’où viennent-ils, ont-ils des familles ? Rien ! de pures abstractions.

Ça commence pourtant assez bien, quoique l’image soit un peu sombre et confuse, par un coup de main d’une audace inouïe qui permet à des maquisards de libérer douze condamnés à mort emprisonnés dans une geôle sévèrement gardée (soit dit en passant, ça se passe, dans le film, en Haute Corrèze et non, comme dans le livre de Jean-Pierre Chabrol, dans les Cévennes). Mais les douze sont treize et, parmi les résistants sauvés il y a un homme (Michel Piccoli) – dont on ne connaîtra d’ailleurs pas le nom – qui ne peut être que suspecté. Et même de celui là on ne saura rien, ou à peine, qu’il ne se sent pas concerné par le conflit…

Le film est très confus, avec des péripéties très elliptiques ; il y a eu beaucoup de moyens mis en place par Harry Saltzman, le producteur des James Bond et on n’a pas mégoté sur les explosifs, les halftracks et les mouvements de troupe : ça mitraille de partout, les rochers sautent, le sang coule ; on est bien content, à la fin, que les résistants, exterminés, puissent barrer en un dernier effort le chemin des Allemands, les retardant ainsi dans leur repli vers la Normandie où le débarquement va avoir lieu ; beaucoup de braves gens ont été tués et la guerre se terminera bientôt ; le treizième homme (toujours Piccoli) est suspendu, tel un chimpanzé, dans les architectures magnifiques, arachnéennes et dentelées du viaduc de Garabit, mais on devine qu’il va s’en sortir.

Et on s’est bien ennuyé.

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