Deux jours à tuer

Zut pour celui qui lira !

Le talent, surtout le grand talent, n’est pas héréditaire. Tout ce que j’avais vu jusqu’alors de Jean Becker ne rappelait en rien que son père Jacques avait été un des plus grands cinéastes français, un réalisateur qui n’a vraiment pratiquement rien raté (grâce, peut-être, il est vrai, à une carrière particulièrement courte et dense, interrompue par sa mort brutale à 53 ans). Le fils, c’est autre chose ! Surtout depuis que, après une interruption d’une vingtaine d’années, il a connu de grands succès publics. Au début des années 60, il s’était essayé, sans démériter, avec Jean-Paul Belmondo, au film noir – Un nommé La Rocca) (1961) – ou aux aventures fantaisistes – Échappement libre (1964) ou Tendre voyou (1966)-.

Après une longue carrière réussie dans le film publicitaire, voilà Becker qui surgit à nouveau avec le triomphe du boursouflé Été meurtrier en 1983. Et qui s’installe sur un créneau un peu bizarre, mais fructueux à base de mélodrames et d’enracinements provinciaux. Élisa (1995), Les enfants du marais (1999), Effroyables jardins (2003)… et une mauvaise et laide action : Un crime au paradis en 2001, où, avec la sale complicité du tortueux Sébastien Japrisot, il prétend réaliser une sorte de remake de La Poison de Sacha Guitry. Rien que ça !

Rien que ça et tout ça pour dire que le fils de son père n’est pas un sujet très doué, mais un assez habile manufacturier d’entrées dans les salles obscures ; on me dira que ce n’est déjà pas mal ; certes, certes…

D’ordinaire, habituellement, le plus souvent, on peut prendre de l’agrément à regarder certains épisodes réussis de films bien classiquement réalisés et ne réaliser qu’assez tard combien l’intrigue est hasardeuse, bancale ou farfelue. Mais à un moment donné, patatras ! tout le film se casse la figure. Les dernières séquences de L’été meurtrier ou d’Élisa seraient à pleurer, si elles n’incitaient pas au ricanement ; et que dire d’Effroyables jardins dont le titre est un bon marqueur ?

Deux jours à tuer ne dispose même pas de ces rares bons moments qui sont des éclaircies dans un ciel trop pâle ; je comprends mal comment d’excellents esprits ont pu prendre plaisir à la première heure du film où le prospère publicitaire Antoine Méliot (Albert Dupontel, épatant, d’ailleurs, comme toujours) saccage consciencieusement tout ce qui, jusqu’alors, lui avait souri : boulot, famille, amis. J’ai trouvé cela parfaitement artificiel et incongru ; comme on ne comprend pas pourquoi le zigue dévaste et qu’on a bien saisi qu’il ne s’agit pas seulement d’une déprime saisonnière, on pige qu’un lourd secret (ahahah !) pèse sur le sujet. Tout est organisé pour faire monter une tension qui ne s’installe pas tant on sent la grosseur du procédé.

On trouve assez ridicule la première partie et on touche le fin fond lorsqu’on plonge dans la seconde, en Irlande, aux côtés d’un père grognon, taiseux, hérissé (Pierre Vaneck), d’une partie de pêche à la mouche mal filmée et de la révélation hilarante de nullité qui conclut le film.

C’est tellement crétin que je vais la raconter, la spoiler comme on dit, paraît-il : si Antoine a déchiré toute sa vie d’avant, c’est qu’il n’a plus que très peu de temps à vivre, qu’il laissera ainsi un mauvais souvenir et personne ne le regrettera. Na ! En tout cas, c’est ce que j’ai compris. Même sur TF1, ils n’osent pas faire des trucs aussi nunuches et larmoyants. (ah, on me dit que si, sur TF1, ils osent ; ils osent tout, d’ailleurs).

Leave a Reply