Le rêve

Pan dans le mille, Émile !

Je me demandais depuis longtemps, avant d’avoir vu le film comment ce stupéfiant roman de Zola avait été adapté. Stupéfiant ? Oh oui ! Oh combien ! Dans les vingt volumes des Rougon-Macquart, Le rêve a une place toute particulière : accusé par ses détracteurs d’être un cacographe et un pornographe, de se complaire et de ne savoir traiter que des sujets orduriers ou scandaleux, Zola avait entrepris, juste après La Terre où les paysans sont débiles, incestueux, tarés et grippe-sous, et avant La bête humaine où Lantier, fils de la Gervaise de L’assommoir devient fou dès qu’il boit une goutte d’alcool, de faire une œuvre pure.

Eh bien ! Pour qui lit les vingt volumes dans leur continuité – ce qui est à mon sens le seul moyen d’avoir une idée juste du dessein de Zola – Le rêve est une sorte d’OVNI où l’on hésite entre pleurer de rire, tant c’est niais, sentimental, melliflue, et s’interloquer de voir le puissant auteur de NanaPot-Bouille et Germinal faire – sûrement en moins bien – du Delly ou du Barbara Cartland… Franchement, Le rêve, c’est encore pire que La faute de l’abbé Mouret et Le docteur Pascal.

En littérature, ça mérite Zéro. Et au cinéma, c’est pareil. On peut simplement, si l’on se veut gentiment indulgent, noter que le film de Jacques de Baroncelli, au demeurant remake d’un Muet de 1921, survient au tout début du parlant (1931), avec des acteurs qui se la jouent au maximum dans l’exaltation théâtrale, des décors qui embaument le carton-pâte, des habitudes narratives encore naïves (beaucoup de cartons explicatifs entre les séquences). Mais même en tenant compte de tout ça, on ne peut pas ne pas s’effarer ; ou ricaner, ça dépend de l’humeur du moment.

Il faut dire que le récit est si tarte qu’il me semble que personne n’aurait pu en tirer quoi que ce soit. Petite fille abandonnée par sa mère, puis exploitée par des tanneurs qui la maltraitent, la petite Angélique (Gilberte Savary dans le rôle de l’enfant) est recueillie par un couple bien méritant, Hubert (Paul Amiot) et Hubertine (Germaine Dermoz). Ces braves gens sont brodeurs de leur métier, spécialisés dans les ornements sacerdotaux et vivent dans une maison à l’ombre de la cathédrale du lieu. Angélique (désormais Simone Genevois) grandit, embellit et devient une brodeuse fort habile. Un nouveau prélat, Mgr de Hautecoeur (Charles Le Bargy) s’installe à l’évêché ; il est le descendant de la grande famille de la contrée, dont la réputation repose sur la fière devise Si Dieu veut, je veux, grâce à quoi un ancêtre a pu guérir la région d’une épidémie.

Autre particularité singulière : Mgr de Hautecoeur est le père du jeune Félicien (Jaque Catelain) qui, en naissant, a ôté la vie à sa mère ; ce qui a conduit le haut seigneur à entrer immédiatement dans les ordres et à écarter longtemps son fils qu’il a plus ou moins consciemment accusé de ce deuil. Mais voilà que le jeune homme, richissime grâce à l’héritage de sa mère, est revenu auprès de son père, au palais épiscopal.

Tout le monde a deviné la suite, n’est-ce pas ? Angélique et Félicien se rencontrent fortuitement, sont frappés l’un et l’autre par un coup de foudre de première grandeur et gnagnagni et gnagnagna. La différence de condition et de fortune paraît d’autant plus insurmontable que le jeune homme a été promis par son père évêque à une jeune fille de l’aristocratie locale.

Pleurs, tristesses, serments, solitudes et consomption de la jeune fille qui se laisse mourir. Jusqu’à ce que le cœur de l’évêque soit touché et qu’il consente au mariage. Mais Angélique a trop souffert : au sortir de l’église où le mariage a été célébré, elle meurt dans un grand soupir. Et les dernières images sont celles où elle s’envole au ciel.

On n’est pas plus nigaud, bêta, niais, mièvre… et ridicule.

 

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