Si le titre que je donne à ce message, Bibelot d’inanité (sonore) est dû à l’abscons et illisible Stéphane Mallarmé, l’idée qui me vient après avoir regardé Rue Haute, dont certains chantent merveilles, est plutôt la citation connue du non moins abscons et illisible Isidore Ducasse, qui s’intitulait pompeusement Comte de Lautréamont et qui a été célébré par ces farceurs de surréalistes. Tout le monde connaît cette cabriole verbale qui fascinait les gens de mon âge qui se voulaient originaux au milieu des années 60 (mais avant Mai 68, où l’on n’a même plus fait semblant de savoir lire) : Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie.
Beau, sûrement pas ; idiot, bien plus que ça. Même si j’ai vu l’unique réalisation de l’inconnu André Ernotte, dont c’est là l’unique long-métrage dans une bien mauvaise version, à l’image pâle et au son chevrotant, je ne vois pas ce qu’on pourrait sauver de cette histoire stupide et souvent ridicule. Une rencontre entre David Reinhardt (Mort Shuman), peintre à la mode, chasseur de jolies filles et lui-même comblé de ce point de vue et Mimi (Annie Cordy), pauvre loque inutile, qui subsiste en vendant des poissons chlorotiques sur un marché de braves gens parcimonieux.
On suppose que David est venu passer quelques jours dans ce quartier pour profiter du côté pittoresque des lieux et aussi pour fuir le petit monde snob qui l’entoure et voudrait qu’il produise davantage de peinture pour davantage s’en mettre plein les poches. Mais un matin, il est alerté par les hurlements hystériques de Mimi au milieu des passants à peu près indifférents. Il descend, tente de la calmer, la raccompagne chez elle où, dans la pénombre, l’attend un homme (Bert Struys) terne et mutique.
Un frère, un mari, un compagnon ? Un homme qui dit s’occuper d’elle mais qui n’en raconte rien, ne dit rien de leur vie, de leur histoire, de leurs projets, de leurs craintes, de leurs maladies. Il a beau essayer de les préserver de leur aboulie, de les installer dans la belle maison de campagne de l’un de ses amis, ça ne fonctionne pas mieux. À force de stations dans les estaminets , des souvenirs reviennent, des bouches s’ouvrent.
On ne comprend évidemment pas quelle fascination peut ressentir David pour Mimi, laide à en pleurer, rigide, austère, agressive ; on ne comprend pas ce qu’il veut et peut faire pour la sauver de son abêtissement.
Et puis la fin une sorte de ridicule révélation : en fait, lors de l’occupation, Mimi a été violemment séparée par les SS de son mari et de sa fille. Parmi les Boches figurait jadis l’homme qui vit aujourd’hui avec elle et dont le dernier regard a été marqué par une forme d’appel au secours dont il porte depuis lors le poids. Après la Guerre il est revenu, en serviteur honteux. Ce n’est pas trop mal, ceci.
Mais tellement, pesant et fier de soi !