Récit d’artifices.

Krzysztof Kiezlowski a terminé sa carrière riche et compliquée par la fameuse trilogie Bleu/Blanc/Rouge qui se réfère à la devise française, avant d’annoncer qu’il renonçait au cinéma, de rentrer définitivement en Pologne et d’y mourir très prématurément, à 54 ans. Je découvre aujourd’hui Trois couleurs : blanc, deuxième volet de la trilogie et, à mon sens, le moins satisfaisant des trois (le meilleur étant pour moi le dernier, Trois couleurs : rouge) mais ma vision étant désormais complète, je ne vois toujours pas le lien qui assemble les trois histoires contées, très différentes dans leur esprit et dans leur lettre et moins encore le rapport avec la maxime républicaine ‘’Liberté, Égalité, Fraternité’’. Il y a sûrement de savants exégètes qui pourraient me démontrer le contraire et m’éclairer sur des rapports subtils et profonds, mais je doute qu’ils pourraient me convaincre.

Ce qui n’a d’ailleurs aucune importance, les trois films se suffisant à eux-mêmes et chacun avec un très beau niveau de qualité, même si, j’y reviens, Blanc m’a paru le segment le moins intéressant.

Les scénarios de Kiezlowski sont toujours compliqués, sophistiqués, subtils sans être pourtant difficiles d’accès, mais Blanc va sans doute un peu loin dans la fantaisie et l’invraisemblance. Les aventures de Karol Karol (Zbigniew Zamachowski sont trop rocambolesques pour être convaincantes. Divorcé de la diaphane Dominique Vidal (Julie Delpy, dont le rôle est trop effacé) pour non-consommation du mariage (après le mariage ! car avant la célébration, ça paraissait marcher très bien), le pauvre garçon, coiffeur de grande qualité, vainqueur de plusieurs concours, se retrouve privé de ressources par son ex-femme et contraint à mendier dans le métro. Identifié par Mikolaj (Janusz Gajos) comme compatriote, sur une musique qu’il joue en soufflant sur un peigne avec une feuille de papier de soie et grâce à son aide, Karol parvient à retourner en Pologne caché à l’intérieur d’une grande malle.

Dans un film délibérément comique, ce genre de péripéties, d’ailleurs rondement menées, passerait très bien, surtout si elles étaient sous-tendues par un dialogue spirituel (ce qui n’est vraiment pas le cas). Là on assiste en étant un peu extérieur à une suite de mésaventures, d’autant que Karol présente une bonne tête d’épagneul triste qui n’attire pas la sympathie ni l’attention. Il a retrouvé, auprès de son frère Jurek (Jerzy Stuhr) un toit et un emploi de coiffeur, mais il songe toujours à Dominique et surtout veut absolument faire fortune.

Dans la Pologne post-communiste, les affaires louches sont foison et l’argent peut être facilement gagné si l’on ne s’embarrasse pas trop de scrupules. Karol, qu’on n’avait pas perçu aussi filou, accumule vite un gros magot. Ainsi nanti, il tente de renouer avec son ex-femme qui lui raccroche au nez. Dès lors il ne lui reste plus qu’à concevoir un montage machiavélique pour obliger Dominique à venir en Pologne… Montage qu’il n’est pas nécessaire de conter et qui, d’une certaine façon, se retournera contre lui… et contre elle ; mais les dernières images laissent entrouverte une fenêtre : un avocat fort onéreux va s’occuper du difficile dossier.

Il y a sans doute un peu trop de tout dans le scénario du film et, en même temps, une artificialité qui n’est pas dirimante, mais un peu agaçante.Mais, ces réserves faites, il est bien intéressant de se plonger dans l’oeuvre d’un cinéaste puissant et complexe. Cela me donne envie de regarder la série Le Décalogue qui, comme son nom l’indique, se réfère aux Dix commandements, qui ont forgé notre morale et notre ethos.

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