Et voilà pourquoi de jeunes Australiens, gentils, bien éduqués, bien balancés, qui doivent imaginer que leur bizarre pays est une terre de Canaan, se retrouvent dépecés, dévorés, réduits en boulettes par les requins qui sont, en fait, les véritables ministres des élégances de ces territoires. Ils font trop de sport, se lancent dans de petits bateaux fragiles dans des eaux qui grouillent de saletés furieuses et cruelles et s’étonnent ensuite d’avoir perdu une ou deux jambes ou même davantage. Nous en avons déjà assez avec les méduses, dans nos terres civilisées pour ne pas nous perdre dans les billevesées exotiques.
Donc quatre jeunes gens, deux garçons, deux belles filles, intellectuellement vides mais bien fichues physiquement, s’embarquent pour une virée en bateau dans un coin du Queensland où grouillent les bestioles. Après tout, c’est leur affaire et quand on vit en Océanie, on n’a pas à espérer de hausser ses points de vue. L’Acropole, le Colisée, Notre-Dame, c’est finalement construit pour les vieillards civilisés. Les jeunes gens vivent par le surf : chacun son orientation. En tout cas, voilà un film tiré d’une histoire vécue, comme il doit en avoir existé beaucoup.
Quatre jeunes gens ; Luke (Damian Walshe-Howling), Kate (Zoé Naylor), celle qui fut son amoureuse et ne demande pas mieux que de le redevenir, Suzie (Adrienne Pickering) et son compagnon Matt (Gyton Grantley), décident de rejoindre le bourlingueur Warren (Kieran Darcy-Smith) pour visiter la paradisiaque île aux Cygnes. Tout va au mieux jusqu’à ce que le bateau soit éventré par on ne sait quel méchant avatar : récif, baleine ou on ne sait quoi. Toujours est-il que ça ne peut pas s’arranger et que l’esquif va s’engloutir assez rapidement.
L’ennui est que les parages sont infestés de requins sanguinaires ; la petite chance est que le naufrage n’a eu lieu qu’à quelques encablures d’une terre émergée assez proche, l’île aux tortues. Le dilemme est assez clair : faut-il essayer de se maintenir sur un bateau qui, inévitablement va sombrer ou tavher de rejoindre en nageant l’île proche ? Ces prémisses posées, on a à peu près fait le tour du film.
Et de son intérêt ; seul Warren va demeurer sur le bateau déchiqueté – et. sans doute s’engloutir avec lui, puisque l’on n’en rencontrera jamais trace – et les quatre autres vont tenter de nager quelques bons kilomètres en essayant d’échapper aux mangeurs d’hommes.
L’ennui est que le récit est ennuyeusement répétitif, bâti sur des images banales alternativement sous-marines et filmées au ras des vagues. Les quatre survivants tremblent, s’inquiètent, paniquent. Naturellement ils se font peu à peu dévorer. L’ennui, c’est que le spectateur s’en fiche complètement, tellement le réalisateur ne sera pas parvenu à donner la moindre chair, la moindre consistance à aucun d’entre eux.
Seule Kate survivra ; on se doute bien que ses jours et surtout ses nuits seront hantés par le souvenir des péripéties glaçantes vécues par elle. Mais à dire vrai, on s’en fiche un peu. Et même beaucoup.
On n’a jamais frémi, on n’a jamais ressenti l’impression angoissante que l’on avait aimée en regardant Les dents de la mer ; on se demande à quoi riment des pastiches inutiles comme celui-là.