Nous irons tous au Paradis

Le meilleur de la comédie « à la française ».

Si j’excepte la trilogie du Monocle, qui s’améliore au fil des films, sont bien rares les suites de qualité au moins égale au premier opus de la série. Et si je pleure de joie chaque fois que je regarde Mes chers amis sur ma vieille copie pisseuse, je m’étouffe de rage en constatant que Mes chers amis n°2 n’est toujours pas édité. Hélas, la trop grande ancienneté de mon souvenir m’empêche d’engager la moindre comparaison étayée avec son aîné, mais ma mémoire me rappelle néanmoins que le second volume était au merveilleux niveau du premier…

Et lorsque Nous irons tous au paradis est encore meilleur qu’Un éléphant ça trompe énormément, qui l’a précédé d’une année sur les écrans, c’est le nirvana ! Pourquoi ? Tout simplement parce que, si l’on a fait connaissance avec les protagonistes dans le premier ouvrage, qui a permis de poser, de dessiner les caractères, au second on les sculpte. Étienne, Simon, Daniel, Bouli sont de vieilles connaissances désormais, de vieux copains qu’on retrouve avec de plus en plus de plaisir….

nous-irons-tous-au-paradis-guy-bedos-victor-lanous-jean-rochefortD’autant qu’ils prennent de plus en plus d’épaisseur… Si j’ai évoqué les révérés Chers amis, ce n’est pas au hasard : si Un éléphant se cantonnait, avec humour et talent, dans le registre presque exclusif du vaudeville, Nous irons tous prend quelques tonalités plus graves, plus tendres, plus douces-amères. Et, comme dans les comédies à l’italienne, l’émotion sait se mêler d’un brin de tristesse : le mariage raté de Daniel (Brasseur) qui ne pourra pas se sortir d’une homosexualité qu’il n’aime pas ; ou même d’un peu plus de brutalité : le désespoir de Simon (Bedos) à la nouvelle de la mort de sa mère (Marthe Villalonga), insupportable et tant chérie.

Un éléphant tricotait ses péripéties sur les velléités d’infidélité d’Étienne Dorsay (Rochefort) ; Nous irons tous renverse l’orientation de l’intrigue : c’est désormais Marthe Dorsay (Danièle Delorme) qui est soupçonnée, même si Étienne lui-même n’est pas tout à fait net… C’est narquois et pénétrant, d’autant que, au contraire du premier film, les histoires annexes (celle de Daniel, prioritairement) ne sont pas traitées superficiellement.

Et puis c’est émaillé de scènes formidablement drôles, la capote de la voiture coincée sous la pluie battante, la crémaillère de Mushi qui fait la gueule à la petite amie de Simon, l’admirable épisode de la maison de campagne vendue par un notaire habile lors d’une grève des aéroports, la démolition de la voiture d’Étienne par un type baraqué (Jean-Pierre Castaldi) qu’il a giflé, le prenant pour l’amant de Marthe… et un dialogue semé de perles et de bonheurs… Des attitudes, des tenues, des dégaines formidables (Rochefort qui se déguise en Inspecteur Gadget pour la filature de sa femme), des idées de distribution très réussies (Gaby Sylvia, Marie-Christine, la cinglante patronne de Daniel, son ex-future épouse). Et la musique moqueuse de Vladimir Cosma. (Tiens, à ce propos, un truc rigolo : Cosma a réutilisé, cinq ans après Nous irons tous, une mélodie qu’il a écrite (le bain de Daniel chez Marie-christine) pour une scène du Bal d’Ettore Scola… excellent recyclage…).

J’ai vu peut-être dix fois les deux films d’Yves Robert. Et plus je les vois, plus je les aime…

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