Conclave

Un nouveau Pape est appelé à régner.

L’actualité immédiate a donné une bouffée d’audience au film de 2024 du réalisateur étasunio-allemand Edward Berger, couronné de distinctions internationales (Golden globe, 4 Bafta, 8 nominations aux Oscars et obtention du trophée du Meilleur film). Comme son nom l’indique Conclave dépeint les quelques semaines qui suivent la disparition du Pape régnant et l’élection de son successeur.

Le francophobe Pape François s’est éteint le matin du 21 avril 2025, lendemain de Pâques ; ce qui – par parenthèse – confirme ce que je pense de plus en plus (expérimentalement, et au fur et à mesure que je fréquente des morts, si je puis dire) : on ne trépasse qu’au moment où quelque chose en soi constate qu’une date, un événement attendu, une saison espérée est enfin arrivée et qu’on peut donc passer de l’autre côté de la vie. Le Pape François a survécu jusqu’au dimanche de la Résurrection, ce qui du point de vue chrétien, n’est pas une mauvaise idée.

Sans doute avec un peu de roublardise, les tenanciers d’Hollywood avaient senti que l’âge et la santé fragile de François ouvraient un boulevard à un film se basant sur le mystère du Conclave, cet épisode qui, même pour les foules déchristianisées, présente un intérêt et une mise en scène excitants : les cardinaux retenus cum clave au Vatican (Chapelle Sixtine) jusqu’à ce qu’ils se mettent d’accord sur le nom du nouveau successeur de Saint-Pierre. Dans quelques semaines, nous ferons d’ailleurs connaissance avec le 267ème.

Comme tout centre de pouvoir, le Saint Siège est lieu de conspirations, de magouilles, de coups tordus, d’insinuations, de campagnes de dénigrement. Faut pas croire ! Pour la Présidence de la République, c’est tout à fait pareil, au cas où on ne l’aurait pas remarqué ; il y a des tendances, des lobbies, des groupes de pression, des camps retranchés… et aussi des alliances de circonstances, des coups en douce, des insinuations, des saletés et même des horreurs, des espoirs déçus, des récriminations, des résignations. Si l’on croit on peut penser qu’au dessus de ce misérable petit tas de secrets, le Bon Dieu veille et qu’il fait tomber le dé du bon côté ; disons qu’Il n’a pas eu la main bien heureuse en faisant élire l’immigrationniste François.

Le début de Conclave est bien intéressant à suivre ; tourné avec les gros moyens étasuniens, le film ne mégote pas sur la qualité des images, bénéficiant de la photogénie merveilleuse du Vatican, de sa beauté harmonieuse, de son absolue civilisation. Le rythme, les célébrations, les tenues ritualisées, d’une intense beauté rouge et blanche. L’organisation du conclave, ses procédures séculaires… Et puis, forcément, les manigances, les scrutins, le décompte des voix, les abstentions, les retraits, les reports de voix.

Il ya, au sein du Sacré Collège, des tendances vivement vécues : le camp des progressistes, mené par le Doyen du Sacré Collège, le Cardinal Lawrence (Ralph Fiennes) et son complice l’Étasunien Aldo Bellini (Stanley Tucci), qui ne veulent pas que l’action du Pape mort, toute en faveur d’une Église inclusive, soit annihilée par les cardinaux hostiles au modernisme : en premier lieu le Nigérian Joshua Adeyemi (Lucian Msamati), qui fait penser très fort à l’actuel Cardinal nigérien rigoureux Robert Sarah ; puis l’ambitieux québécois Joseph Tremblay (John Lithgow), qui pourrait être une excellent candidat de compromis ; enfin l’Italien traditionaliste Goffredo Tedesco (Sergio Castellitto) que les modernistes veulent à tout prix éliminer du Trône de Pierre.

Tout cela serait bel et bon, d’autant que les acteurs sont excellents, que la lumière est somptueusement filmée et que les intrigues ne sont pas si improbables que ça.

Mais au fur et à mesure que les minutes passent, ça se gâte. On n’est plus dans un film qui devrait être subtil, intelligent, complexe, mais dans un bien gros thriller qui peine et ahanne. Plus on va, plus on s’enfonce dans un ramassis presque policier de saletés, de révélations scandaleuses et médiocres, de découvertes crapuleuses.

Jusqu’à la fin, qui est d’une bêtise angoissante et d’une médiocrité sans nom. J’ai eu plutôt honte, à la fin, d’avoir trouvé plutôt plaisant et même quelque fois fort un film qui part en couilles ; j’ajoute que mon dernier propos ne pourra être compris que par ceux qui auront vu le film. J’espère qu’ils auront été moins gênés que moi.

À part ça, l’Église, ça va : 17 000 nouveaux baptisés, adultes et adolescents à Pâques. Et 2000 ans que ça dure.

Aucun souci à avoir.

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