Scandale désuet
L’admirable Claude Autant-Lara
est bien maltraité par l’édition DVD ! Le cinéaste de la noirceur, du sarcasme, du regard terrifié et complice sur la veulerie humaine, n’est, à ce jour, représenté que par trois de ses films ; L’Auberge rouge
, La traversée de Paris
et En cas de malheur
; et encore, pour les deux derniers, chez René Chateau, c’est-à-dire dans les pires conditions.
Mais rien d’annoncé sur son plus noir chef d’oeuvre, Douce
, pas question du Blé en herbe
ou du Diable au corps
Alors, pour La jument verte
tirée du grand Marcel Aymé
, film qui, à sa sortie en 1960 a suscité, dans toutes les villes françaises, des manifestations bourgeoises indignées et des arrêtés municipaux d’interdiction, vous pouvez, à mon sens, toujours vous brosser. Et c’est bien dommage !
Et que Claude Autant-Lara ait fini sa vie en tête de liste du Front National ne va pas, à mon sens, accélérer les choses.
Après tout, ne nous plaignons pas : l’immortel Max Pécas
est édité, et ce diamant méconnu, Mon curé chez les nudistes
sortira un de ces jours…
Alors, Autant-Lara, pfttttt !
——————–
Il faut préciser que, se fiant à la pochette, des acheteurs naïfs, mais pervers polymorphes (les deux qualificatifs ne sont pas incompatibles) pourraient croire qu’ils vont acquérir un porno zoophile particulièrement crade. Et ils seraient extrêmement déçus.
Blague à part, j’ai le très vif souvenir de ces mouvements d’opinion – aujourd’hui totalement incompréhensibles – qui ont soulevé des querelles très vives, les uns défendant la décence, les autres la liberté d’expression. J’habitais à Annecy, j’avais treize ans, il y a eu des rassemblements devant le cinéma qui donnait le film, le maire a pris un arrêté d’interdiction, qui a été réformé par le préfet, et ça a été un peu partout comme ça en province ; on se demande bien pourquoi : il n’y avait pas de polémique politique (comme pour La bataille d’Alger
dix ans plus tard), pas de soufre antimonastique comme dans La religieuse
, le sexe était plutôt gaulois, et un peu gras…
J’ai vu le film bien plus tard ; il n’est pas très très bon ; le roman le dépasse de cent coudées (Marcel Aymé
n’est pas toujours très bien adapté : cf. La Vouivre
, joyau romanesque et bide cinématographique total) ; mais enfin, pour de bonnes scènes, ça vaut tout de même largement l’édition !