Il y a un mystère Philippe de Broca, que je ne parviens pas à percer. Comment un réalisateur aussi délicieux, gai, drôle, léger, maître de la cabriole et de la désinvolture peut-il trop fréquemment s’égarer dans la bouillie ? Comment peut-il, deux ans après ce presque chef-d’œuvre de L’homme de Rio parvient-il, dans un genre analogue et avec le même acteur principal, Jean-Paul Belmondo, saboter à un point tel Les tribulations d’un Chinois en Chine ? Et cela dans toute sa carrière, qui a été assez longue (en gros de 1960 à 2004) et dense (une trentaine de longs métrages). Et plus encore sans que réussites et ratages soient le résultat d’une évolution ou d’un mûrissement ?
Au tout début, il y a le charmant Amant de cinq jours(1961) ; mais en 1966, le ratage (apprécié par certains, j’en conviens) du Roi de cœur … Puis tout un ensemble de films enlevés, spirituels, cavalcadants : Le diable par la queue (1968), Le Magnifique(1973) et l’encore plus réussi L’Incorrigible (1975)… Puis entre deux films qui ont eu du succès mais ne valent pas tripette, Tendre poulet et On a volé la cuisse de Jupiter (1978 et 1980), ce joli bijou du Cavaleur (1979) qui donne à Jean Rochefort un de ses deux ou trois meilleurs rôles… Et il y aura encore un excellent Bossu (1997), enlevé et brillant.
Pourquoi m’attarder sur la carrière du cinéaste ? Eh bien pour retarder sans doute au maximum d’écrire tout le mal que je pense de La poudre d’escampette, hier découvert et tristement subi, d’autant que le film est trop long (presque deux heures) pour son mince sujet. J’adapte et précise ici le résumé qu’en donne Wikipédia : En 1942, en Afrique du Nord, Lorène, une jeune femme (Marlène Jobert) aide un officier anglais, Basil (Michael York) à échapper aux Allemands, avec l’aide de Valentin, déserteur et escroc (Michel Piccoli). Ils vivront mille aventures dans le désert.
Pour l’intelligence un peu plus complète de la situation, il faut préciser qu’engagé en Tunisie (encore sous la main de Vichy), l’essentiel du périple se passe dans le désert de Lybie, Lybie encore occupée par les Italiens, qui, cédant à la pression britannique venant d’Égypte, vont recevoir le renfort de l‘Africa Korps du Feldmarschall Rommel. Il faut préciser que l’officier britannique est le miraculeux rescapé d’un accident d’avion qui lui a permis d’être recueilli sur la goélette contrebandière de l’escroc Valentin. Et que Lorène est l’épouse qui s’ennuie de Paul-Émile (Louis Velle), Consul de Suisse à Benghazi (je suppose).
Naturellement, ab initio, les trois personnages qui n’ont absolument aucun atome crochu et dont les orientations sont très différentes, se regardent avec animosité ; naturellement aussi, la jeune femme est convoitée par les deux hommes ; naturellement on aura son content de beaux paysages de dunes au soleil couchant ; et même de combats féroces entre Britanniques et Allemands.
La structure du scénario n’est pas plus bête qu’une autre et il me semble qu’il était possible de tirer de ces prémisses quelque chose de nerveux et d’envolé. Mais c’est triste, long, trainant. Les dialogues ne valent rien, la musique de Michel Legrand pourtant, parvient être crispante, chaque séquence manque de ce rythme qui est si déterminant au cinéma.
Une mention spéciale, toutefois, pour la dernière image, qui apporte une goutte d’acide violent dans un paysage un peu niais. Mais je ne la conterai pas.