Le viol du vampire

Le viol du vampire.

Je suppose, j’imagine, que Le viol du vampire, sorti en 1968, n’a pas dû avoir une grande diffusion. Parce que, alors familier de tout ce qui pouvait toucher aux buveurs de sang, je me serais certainement précipité d’aller voir dans un cinéma marginal un film au titre aussi excitant et accrocheur. Première réalisation du considérable Jean Rollin qui a saisi très vite que l’alliance entre nudité féminine et vampirisme pourrait constituer une mayonnaise séduisante, le film n’a pas dû être diffusé sur les pourtant alors nombreux écrans de ma ville provinciale (Grenoble). Ceci, nonobstant qu’il ait été enregistré en Noir et Blanc, non par choix esthétique assumé, mais plus simplement par manque de fric.

Ce qui vient d’être dit ne plombe pas considérablement le propos : les images d’une campagne toujours aussi moche lorsqu’elle est filmée au sortir de l’hiver, les arbustes dénudés, le vent qu’on imagine glaçant, les terres boueuses ou encore gelées peuvent absolument constituer le décor de films de qualité. Et il y a suffisamment, dans notre pays, des manoirs abandonnés, des bâtisses décrépites, des taudis hideux et photogéniques pour présenter des images gênantes. En tout cas capables de présenter aux spectateurs des décors désagréables.

Rapide éclairage sur le scénario du Viol du vampire ; rapide et peu éclairant, parce que l’une des caractéristiques du cinéma de Jean Rollin est de présenter au spectateur un gloubi-glouba sans cohérence ; je rends hommage, d’ailleurs, au brave garçon qui a rédigé sur ce film la notice scénaristique complète qui raconte, sur Wikipédia, les développements et péripéties du film : je me suis émerveillé de sa rigueur et de son exhaustivité. C’est bien simple : on peut frémir de constater que sur un tel tohu-bohu quelqu’un peut consciencieusement prendre en note les moindres émois d’un scénario inintelligible.

En très gros, voici : une effroyable rumeur frappe une vieille demeure de Normandie, située à l’écart d’un pauvre village. On prétend que, depuis des siècles, quatre sœurs vampires y vivent presque cloitrées, ne sortant qu’à la nuit pour adorer une idole contrefaite (le Très-Bas, un des noms de Satan) et pour boire le sang d’oiseaux qu’elles parviennent on ne sait comment, à attraper. Au début du siècle les paysans du coin auraient tenté de les éliminer mais ne seraient parvenus qu’à crever les yeux d’une (Nicole Romain) et à violer une autre (Solange Pradesh).

C’est du moins ce que raconte un vieux châtelain (Doc Moyle) à Thomas (Bernard Letrou), jeune psychanalyste persuadé que les pauvres filles sont victimes de méchants racontars, des siècles de haine et de superstition. Thomas est accompagné dans l’aventure par un couple de ses amis, Marc (Marquis Polho) et Brigitte (Catherine Deville). Et puis – ah ah ! – le vieux châtelain n’est pas si doux ni bienveillant qu’il prétend l’être : c’est en fait un ensorceleur sacripant qui (on le suppose) couche avec les quatre jeunes femmes.

Partant de ces prémisses, un Mario Bava aurait pu faire quelque chose d’intéressant, d’autant que l’atmosphère de l’époque le permettant (y incitant, même) l’exhibition de jolies poitrines dénudées pouvait apporter au récit un peu de poivre. Mais Jean Rollin, dont la cohérence n’a jamais été la vertu majeure, se surpasse dans la bouillie scénaristique. Le sommet est le basculement dans une deuxième partie où foisonnent de réels vampires, dont la reine (Jacqueline Sieger) souhaite étendre au monde entier le goût du sang, utilisant des messes noires pour y parvenir.

J’arrête là, renvoyant d’éventuels lecteurs à la fiche Wikipédiad’une exhaustivité risible. En même temps, je vais vous faire une confidence affreuse : j’ai déjà commenté ici Le frisson des vampires (en exposant de façon un peu détaillée la manière du réalisateur), 4ème film de Rollin. Le viol étant donc le 1er. Ainsi que des films plus tardifs : La nuit des traquées, Les deux orphelines vampires et La fiancée de Dracula. Mais je viens aussi d’acquérir les numéros 2 et 3, La vampire nue et Requiem pour un vampire. Tout ça n’est pas très rassurant, n’est-ce pas ?

Mais Rollin, c’est comme les cacahuètes : on ne s’arrête jamais à temps.

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