Toute la ville accuse

Conte de Noël.

Voilà un charmant petit film, un peu nigaud, un peu niais, mais qui se laisse suivre avec le plaisir qu’on éprouve quand on revoit de vieilles choses aimées… La France provinciale du milieu des années 50, la mode invraisemblablement laide que les femmes portaient, les quais de gare où s’affairaient les porteurs qui s’occupaient des malles et des formalités,les dames bourgeoises, mère et fille, qui, les après-midi du dimanche assistaient aux vêpres, les guérites minuscules de la Loterie nationale où des veuves de guerre vendaient leurs dixièmes, les garages Simca, les gros pardessus des messieurs, les policiers qui portaient des képis et qui, la nuit, patrouillaient sans crainte d’être attaqués par des bandes ethniques, les gamins qui jouaient à n’importe quoi dans des rues encore sûres, les liasses de billets de banque. Plein de choses merveilleuses. On le sait, c’était mieux avant

Une histoire à l’eau de rose mais assez bien fichue. Et pour une fois dont ceux qui ont la faiblesse de me lire depuis des années savent que je n’ai pas pour lui les yeux de Jean Cocteau dont le titre de gloire a été le prénom qu’elle s’était choisi et surtout d’avoir été la maîtresse du futur Hassan II, roi du Maroc (1961 – 1999).

Donc, dans une ville provinciale (dont la topographie et l’allure me font penser à Versailles, mais qui est là appelée Aubinas), François Nérac (Jean Marais) écrivain sans grande notoriété, débarque dans le temps de Noël ; il vient d’acheter une vieille maison décrépite afin d’y achever son dernier livre. Au cours d’une visite au notaire qui lui a vendu la maison, Maître Aravitte (Albert Duvaleix), il rencontre inopinément sa fille, Catherine (Etchika Choureau) ; les deux jeunes gens, d’emblée se plaisent…

Mais ce n’est pas là la substance du film ; il se trouve que dès le premier (ou le deuxième) matin, François trouve, au pied de sa porte, un gros sac empli de billets de banque et de pièces de monnaie. S’il est plutôt dans la gêne, l’écrivain est généreux et ouvert ; se promenant dans la ville la veille, il a ravi une bande de gosses qui badaient devant des vitrines de jouets qu’ils ne pouvaient pas s’offrir et il leur a acheté, avec quelques billets, un merveilleux rayonnement.

Chaque jour désormais les sacs vont s’accumuler sans que rien puisse expliquer leur provenance : à chaque fois plus de 10 millions de francs. François, poussé de remettre ce trésor qui s’accumule aux autorités, se décourage devant la difficulté à le faire… jusqu’à ce que, pressé par la nécessité de payer la dernière échéance de l’acquisition de sa maison, il puise dans le magot.

Que faire, d’ailleurs, de tant d’argent ? Peut-être répondre aux promesses insensées que font aux populations les candidats aux élections municipales qui se trouvent bien décontenancés lorsque. leurs projets se voient désormais financés par un mystérieux mécène. Tout cela vient introduire la gêne et un regard dubitatif sur la vie et les ressources du généreux donateur ; les rumeurs courent, les regards sont obliques… D’autant qu’une équipe de bandits menés par Michel Etcheverry veut s’emparer du magot… On devine bien que ça va s’arranger puisque le héros ne peut pas être bafoué ; d’ailleurs ça s’arrange ; et à la fin l’écrivain suspecté et la fille qui l’aime vont engager une relation magnifique.

C’est très moral. Très agréable. On a bien aimé. L’intrigue est d’une telle délicieuse et improbable naïveté qu’elle me fait penser aux romans de Paul Berna dans la collection Rouge et Or, comme Le cheval sans tête, aussi pleins d’invraisemblance et de merveilleux…

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