Kubrick est grand !

Capable de tout !

Si je ne me sens pas encore assez en verve et en disposition d’esprit favorable pour indiquer pourquoi je tiens, pour ma part, Eyes Wide Shut pour le sommet de l’oeuvre si admirable en tous points de Stanley Kubrick, j’ai tout de même très envie de river leur clou à ceux qui pensent que Kubrick cherche à laisser des messages.

Penser qu’il existe la volonté de laisser un « message », chez Kubrick, c’est effectivement le rapetisser singulièrement, en faire un cinéaste engagé, davantage qu’un moraliste (pour ceux qui ne sont pas très au courant, je précise qu’un « moraliste » n’a rien à voir avec un partisan du Code Hayes, un taliban ou un instituteur de la IIIème République ; Chamfort, Vauvenargues, Anatole France sont des moralistes ; dans une certaine mesure, Proust aussi, et Giono, sûrement).

D’ailleurs, à mes yeux (que je vais me faire arracher, sur cette assertion, peut-être), le propos le plus faible de Kubrick (je n’ai pas écrit « le film le moins réussi » !), c’est celui des Sentiers de la gloire, qui est précisément un pamphlet assez simpliste (et, sur un autre film de guerre, Full metal jacket, précisément, le propos est autrement fort, rune de paix et inscription « Born to kill » coexistant sur le casque de Joker (Matthew Modine).

Mais sinon, quel message tirer de L’Ultime razzia ? Que « Bien mal acquis ne profite jamais » et que « Occupez-vous de mes amis, mes ennemis, je m’en charge ! » ?

Et de Spartacus ? Que décidément, l’esclavage est une pratique répugnante et que si tous les Gladiateurs du monde voulaient se donner la main, etc. etc. ??

Et de Lolita ? Que, y’a pas à tortiller, les jouvencelles, péronelles, gourgandines sont des êtres diaboliques dont il faut se méfier comme du lait sur le feu et que tous les hommes ont dans leur coeur un cochon qui sommeille ?

De Dr. Folamour que le monde entier danse sur un volcan, que les militaires ne sont pas des gens fréquentables et que les politiciens sont des branquignols invétérés ? Et qu’à force de pisser contre le sirocco, on finira par avoir les babouches mouillées ? (en termes plus évangéliques : « Ils ont mangé les raisins verts et ils en ont eu les dents agacées ! »)

Pour 2001 : l’Odyssée de l’espace (plus métaphysique) : « Qu’est l’Homme pour vouloir s’aventurer dans le vertige de la Connaissance ? » ou (plus pascalien) « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie ! »

Pour Orange mécanique : Voilà ce qui arrive lorsque la démission des parents se conjugue avec les mauvais spectacles procurés par les mass médias (c’est d’ailleurs le point de vue de Paul mtl)

Pour Barry Lyndon : « Ne laissez jamais un garçon qui n’est pas de votre milieu s’inscruster dans l’honorabilité de votre famille : vous en pleurerez toutes les larmes de vos yeux ! »

Pour Shining : « Au lieu de vouloir jouer à faire l’écrivain (ou l’artiste, ou le coureur cycliste), tu aurais mieux fait d’accepter cette place de sous-chef du rayon habillement des Nouvelles Galeries de Romorantin ! » ou bien – plus subtilement « un homme seul est en mauvaise compagnie ! »

Pour Full metal jacket : « Voilà ce à quoi conduit l’ingestion incontrôlée de hamburgers et de sodas sucrés ! A des « Grosse Baleine » incapable de se bouger le cul sur un petit parcours du combattant de rien du tout ! »

Et enfin, naturellement, sur Eyes Wide Shut :  » Vous avez vu toutes ces publicités pour les sous-vêtements « Aubade » dans les rues ? Et ces gamines qui montrent leur nombril ? Il n’y a rien d’étonnant, ma pauvre dame que les hommes soient de plus en plus dégoûtants ! »

Du calme, donc ! Kubrick n’a pas voulu dire ça !


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