Sans retour

Lourdeur des bayous.

Comparer cet excellent film d’action, doté d’une efficace mise en scène et d’une atmosphère intéressante au sublime Délivrance me semble un peu abusif. Délivrance est une parabole d’une richesse infinie sur l’indifférence hautaine de la nature, sur l’écrasement de l’Homme, sur sa peur devant sa petitesse. Sans retour est un de ces très nombreux films de survie en milieu hostile, avec un groupe de caractères bien singularisés, groupe qui est graduellement décimé par l’adversité, les ennemis animaux (Le territoire des loups), humains (Les chasses du comte Zaroff, Le dernier monde cannibale) ou… bizarres (La colline a des yeux, The Descent).

Ce qui est excellent, dans Sans retour, c’est l’ambiance glauque, oppressante, mouillée des bayous de Louisiane, palétuviers aux racines dardées, sassafras, tulipiers, touffeur de la mousse espagnole ; pas un rayon de soleil clair, ou presque ; on est saisi par l’humidité, on ressent la transpiration et la présence des insectes. L’image du film est terne, gris-vert, aussi sale que ces hommes qui sont lancés dans une sorte d’exercice de crapahut sans intérêt en milieu hostile. Il est un peu dommage, au demeurant, que le groupe, à quelques exceptions près (le Noir Cribbs – T.K. Carter, le débile Stuckey – Lewis Smith) soit un peu anonyme ; c’est une des difficultés du genre : pouvoir prendre le temps d’identifier et de caractériser fortement les protagonistes, en un temps assez bref pour ne pas empiéter sur l’action proprement dite. Je ne pense pas que Walter Hill, le réalisateur de Sans retour y soit bien parvenu et il me semble qu’au début du film, on confond un peu les personnages.

fT7Yf7q6hKHpRN5Vv00PGZuCq9p-300x169Le suspense est bien mené, néanmoins, et ce qu’on pourrait appeler le resserrement du filet, c’est-à-dire le moment où l’on sent que les pourchassés vont être graduellement assassinés arrive à point et est marqué par quelques séquences horribles qui font toujours leur effet. L’intérêt faiblit ensuite un peu jusqu’à l’arrivée des survivants dans le village cajun ; mais là, superbe longue séquence, irriguée par la musique nasillarde et enfumée d’un quatuor très authentique. Parlez-nous à boire… et non de mariage chantent les frères Balfa au vieux nom d’Acadie après le Grand dérangement lors d’une sorte de kermesse où l’on tranche élégamment la gorge de beaux cochons gras avant de les saigner et de les dépecer (il paraît que ces images ont révulsé des âmes sensibles, qui, sans doute, n’apprécient ni jambon, ni saucisson).

La fin est d’une certaine ambiguïté ; mais on n’y retrouve pas le regard angoissé, les yeux grands ouverts dans la nuit du Jon Voight de Délivrance. Prenons garde à ne pas mettre sur le même plan les deux films…

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