Le grand saut

La lettre bleue.

Je conservais un souvenir plutôt agréable de cette comédie un peu trop moralisatrice des frères Coen et notamment d’images oniriques et impressionnantes de New-York sous la neige… New-York vue, il est vrai, un peu comme la Gotham city des aventures de Batman, une sorte de cité noirâtre hérissée de tours hostiles et arrogantes. J’ai, à la revoyure, été un peu déçu, trouvant le film gentil, sympathique, drôle assez souvent, mais manquant un peu d’épaisseur, tout de même. En tout cas ça n’est pas du niveau du grinçant Fargo, qui est ce que j’ai vu de meilleur des deux réalisateurs.

On a évoqué, à juste titre, bien sûr, un autre film très gentil et plein de nobles sentiments, La vie est belle de Frank Capra, ces hasards mirobolants qui changent miraculeusement l’orientation des vies. On peut aussi évoquer, au regard de la fourmilière laborieuse des sous-sols de l’immeuble (fourmilière laborieuse ! voilà un pléonasme que je me permets sans vergogne), au regard de cette illustration sarcastique du taylorisme À nous la libertéRené Clair montre pareillement l’instrumentalisation des petits employés.

Mais le film manque de péripéties et tourne un peu en rond ; Norville Barnes (Tim Robbins), brave plouc idéale victime, fait l’objet d’une manipulation capitaliste manigancée par le machiavélique Sidney J. Mussburger (Paul Newman), se révèle finalement comme un type plus habile qu’on ne pensait, séduit Amy Archer, journaliste ambitieuse (Jennifer Jason Leigh, pleine d’abattage et de talent) et finit par évincer ses antagonistes : c’est léger et un peu creux, vu, en tout cas, cent fois.

C’est joliment réalisé, bien interprété, mais finalement assez insignifiant, malgré de gros moyens techniques. Et ça a tout de même le mérite de remettre en mémoire à ma génération cette fabuleuse vogue du hula-hoop, ce cerceau de plastique multicolore qui nous faisait onduler de façon parfaitement ridicule tout autant que rythmée à la fin des belles années Cinquante. Doux Jésus ! Quand je pense que j’ai pu passer des heures précieuses à acquérir ce déhanché mécanique qui ne donnait aucun autre plaisir que de se tortiller en rythme…

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