Adieu ma jolie

Du cinéma qui tient la route.

Même si l’on n’est pas fasciné par les États-Unis d’Amérique, à peine davantage par le roman policier, il n’est pas concevable d’ignorer des créations littéraires originales comme celle de Philip Marlowe. D’autant qu’il est le héros d’une dizaine de romans et d’une tripotée de nouvelles écrites par Raymond Chandler, que les adaptations au cinéma sont légion, que le personnage a été incarné par une vingtaine d’acteurs différents, dont les plus notoires sont évidemment Humphrey Bogart et Robert Mitchum, l’un dans Le grand sommeil de Howard Hawks en 1946, l’autre par Robert Mitchum dans cet Adieu ma jolie de Dick Richards en 1975, reprise d’Adieu ma belle d’Edward Dmytryk en 1944.

Je ne connaissais du détective privé que le film d’Howard Hawks où les acteurs puissants, Bogart, dont c’était la deuxième collaboration avec sa femme Lauren Bacallparvenaient presque à sauver un scénario emberlificoté et et à peine compréhensible. Il est certain qu’Adieu ma jolie est davantage abordable, même si l’enchevêtrement des histoires, les fausses pistes, les chausse-trapes, les ambiguïtés, les bifurcations, les impasses se multiplient.

Seulement, malgré les difficultés qu’éprouve le spectateur à suivre les cheminements de l’intrigue – des intrigues, serait une indication plus exacte – le film du météore Dick Richards est à peu près constamment lisible et ne perd jamais le spectateur dans des circonvolutions trop sophistiquées : on veut bien suivre avec attention des péripéties sinueuses, on ne se félicite pas de devoir repasser trois fois certaines séquences pour apercevoir le petit détail que le réalisateur a placé sous le regard.

Pourtant ce n’est pas si simple que ça ; mais dès le début, le réalisateur place le projecteur sur son acteur principal ; on n’oserait pas écrire ‘’héros’’ tant Philip Marlowe apparaît las, désabusé, fatigué, ennuyé de tout, sceptique sur son métier et sur la médiocrité humaine. On passe au thème principal : le désir fou furieux d’une sorte de gorille bas du plafond, Moose Malloy (Jack O’Halloran) de retrouver sa compagne Velma, mystérieusement évaporée alors qu’il passait sept années en prison et sa décision de confier à Marlowe cette recherche.

Recherche pleine de rebondissements, de traques, de révélations ; c’est d’ailleurs un peu le propre de ce genre de films : des interrogatoires, des pièces de puzzle qui commencent à s’imbriquer les unes dans les autres, des mystères qui peu à peu s’éclaircissent… juste avant de s’embrumer. Des morts bizarres, des personnages singuliers, généralement perturbés par la folie ou par l’alcool.

Une deuxième histoire vient se greffer là-dessus et s’y enchevêtrer ; elle aura l’avantage d’y introduire la superbe Charlotte Rampling dont on apprendra in fine qu’elle n’est pas tout à fait celle qu’on pensait qu’elle soit. Même si l’on s’en doutait un peu, il fait toujours plaisir d’être conforté dans ses intuitions. Et puis sa beauté est si éclatante !

Toujours est-il que le film va à deux-cents à l’heure et ne manque jamais de retenir l’attention du spectateur ; c’est très agréablement filmé, doté d’une musique parfaitement bien adaptée aux situations, excellemment interprété. Un film d’une qualité supérieure.

Je ne dis pas qu’on n’en voit plus, mais enfin, on en manque beaucoup !

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