Angélique et le sultan

La vie, mode d’emploi.

Il était temps que ça s’arrête et que, les époux Peyrac, Geoffrey (Robert Hossein) et Angélique (Michèle Mercier) enfin réunis, puissent hors de notre vue, poursuivre une existence qu’on leur souhaite harmonieuse, sereine, paisible. Et bien loin en tout cas des myriades d’horreurs qui leur ont été dévolues jusqu’à l’épilogue de ce cinquième et dernier épisode de la série filmée par Bernard Borderie sur la trame de la longue geste élaborée par Anne et Serge Golon). On commençait, finalement, à en avoir un peu marre de ces éternelles situations où Angélique échappe à grand peine aux entreprises libidineuses de tous ceux qui l’approchent et où Geoffrey, aussi talentueux et richissime que malheureux dans ses entreprises, échoue régulièrement à reprendre avec lui sa légitime qu’une suite d’invraisemblables malheureuses destinées lui retirait au fur et à mesure qu’il s’en rapprochait. Supplices de Tantale ou de Sisyphe aussi épouvantables que les Anciens les avaient conçus.

Angélique et le sultan commence exactement où nous avait laissés Indomptable Angélique (d’ailleurs c’est le même livre qui donne la matière de deux films, première et deuxième parties, en quelque sorte) : au moment même où les deux époux sont réunis et commencent à passer du bon temps dans une des fabuleuses résidences du Rescator, voilà-t-y pas que le fourbe et pervers d’Escrainville (Roger Pigaut), en une habile diversion, fait mettre le feu au chébec de Peyrac et, profitant de la panique, s’empare d’Angélique, dont il connaît l’énorme valeur marchande.

Habile comme pas deux et malgré les avaries de son bateau, Peyrac rattrape le forban, lui inflige une rouste carabinée et – petit moment de sadisme bienvenu – l’abandonne sur son navire à la dérive, attaché au grand mât et promis à une agonie horrible et longue. Car Angélique n’était pas à bord mais avait déjà été vendue au trafiquant Mezzo Morte (Arturo Dominici) qui l’a lui même refilée en sous-main, réalisant une assez jolie plus-value, aux acheteurs du sultan de Mikenes (Meknès ?). On voit par là que les fructueuses opérations commerciales qui sont le principe éminent de notre moderne époque ne datent finalement pas d’hier et sont toujours aussi pleines de cette délicieuse et immonde et scandaleuse soif de l’or qui n’est pas proche de succomber aux assauts des défenseurs des Droits de l’Homme.

Si ce n’était qu’une affaire de sequins, de ducats et de maravédis, il n’y aurait pas trop de soucis pour le Rescator, milliardaire autant par ses pillages que par ses travaux scientifiques : mais il y a un obstacle majeur qui lui est opposé d’emblée : L’Islam est un mur infranchissable lui assène Mezzo Morte et ceux qui le pratiquent vont opposer à l’acharné Geoffrey toute une civilisation absolument incompréhensible, tout autant que l’était dans Angélique et le Roy, la cruauté indifférente de Batchiary bey (Sami Frey).

Tout cela, à vrai dire, n’est pas de nature à décourager Peyrac qui dispose de tant de subtilités, de complicités et de pistoles qu’il parvient à s’introduire, dans Alger la barbaresque, à deux doigts du marché où sa femme est captive. Trop tard ! Elle est partie déjà pour le royaume de Mikenes, où règne Moulay-el-Rachid (Aly ben Ayed), potentat intelligent, curieux d’arts et de sciences occidentales mais aussi violent et cruel qu’on peut l’imaginer. Potentat secondé par le chef de son harem, l’eunuque (la chose n’est pas dite mais est parfaitement évidente) Osman Ferradji (Jean-Claude Pascal), qui rêve pour son maître d’une compagne à sa mesure…

Comment Angélique, introduite dans le harem, convoitée par le roi, jalousée par les favorites (au point d’y presque laisser la vie), désirée, comme d’habitude par tout le monde, mais moins violée que de coutume, va s’en sortir et retrouver aux dernières images son mari est au dessus de mon envie vespérale d’écrire la fin de l’histoire. Que je me contente de dire que le dernier épisode est moins mauvais que dans mon souvenir, joliment décoratif, mais part un peu dans tous les sens ; qu’il souffre aussi de la prestation exaspérante de Jean-Claude Pascal, étrange acteur qui ne fut point toujours désagréable et qui fit une très belle et courageuse guerre mais dont les talents d’acteur n’étaient pas considérables…

Voilà, c’est fini : le coffret des cinq films est épuisé et je vais passer à autre chose après cette plongée dans les plaisirs de mon adolescence : finalement, ce n’était pas si mauvais que ça… Vais-je, pour autant, retourner encore de dix ans en arrière et me repasser tous les Sissi ? C’est moins certain…

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