Apocalypse now (redux)

apocalypse_nowLong.

J’arrivais un peu grognon, presque gêné aussi, me disant qu’après n’avoir pas apprécié L’inconnu du Nord-Express, ma perplexité devant ce que la jaquette de mon édition d’Apocalypse now dit être un des plus grands moments de l’histoire du cinéma ne ferait pas bon effet et me classerait irrémédiablement, s’il en était besoin, au rang des franchouillards indécrottables, malgré mes goûts affirmés pour Kubrick, Risi et Kusturica.

Je respire ! Certains amateurs que j’estime font aussi un peu la moue et semblent ne pas tenir le film de Coppola pour le sommet insurpassable du cinéma.

J’ai passé patiemment trois heures et quart de mon après-midi à attendre que le film décolle, quitte les sentiers battus et rebattus du genre guerrier, avec explosions diverses, napalm photogénique, blessures épouvantables et sanguinolentes et lamentations diverses sur l’inhumanité de l’Homme, pour arriver enfin dans une sorte de contrée étrange où l’angoisse de la malfaisance intrinsèque de l’individu se fait enfin palpable ! Mais il faut tout de même attendre 2 heures 31 pour que Kurtz-le-mythique surgisse de l’ombre et que Marlon Brando fasse luire son crâne poli à la lueur des torches ; c’est bien long, pour ne pas dire interminable…

Apocalypse_a_lOh ! Certes, c’est bien filmé, avec d’énormes moyens, avec plein d’idées qui ont marqué le cinéma des trente dernières années (évidemment l’attaque du village par les hélicoptères-frelons aux sons de la Chevauchée des Walkyries) ; mais enfin les violences, les absurdités, les fusillades, les cinglés de tout acabit (je reconnais que le colonel surfeur n’est pas mal dans le genre), les types qui explosent de peur, l’invraisemblable bordel des campements, c’est assez habituel, même banal et, quelle que soit l’habileté du filmage et du montage, on regarde toujours un peu ça de l’extérieur, en sachant qu’il y aura du monde sur le carreau…

En plus, dans cette version (très) longue, j’ai l’impression que des épisodes appendices ont été collés sans véritable justification : celui de la virée avec les playmates, par exemple, et, plus encore, celui de la plantation française; Coppola voulait-il réfléchir sur l’éternité de l’Asie, la prégnance des marqueurs nationaux, le chemin sans issue emprunté par les Étasuniens (et dénoncé par le Général dans son discours de Phnom-Penh de 1966) ou, plus vastement, sur les méandres inquiets de l’âme humaine ? Le choix n’est pas fait, et on hésite entre la relation consciencieuse d’une guerre d’une infinie cruauté et les préoccupations angoissées d’hommes confrontés aux obligations logiques de leur implication personnelle dans un tourbillon d’épouvante…

Si, sur le second plan, qui ne survient qu’à la fin, alors qu’on est déjà un peu las, je vois des pistes intéressantes (bien que la fascination qu’exerce Kurtz sur tant de gens ne soit pas très compréhensible), sur le premier, il y a des films bien plus convaincants, en premier lieu Full metal jacket, mais aussi le remarquable Dien Bien Phu de Pierre Schoendoerffer, qui relate, avec moins d’images spectaculaires et sanglantes, mais bien plus de sensibilité ce que fut l’illusion de la présence occidentale en Extrême Asie…

Je mets 3 pour la qualité des images et la beauté formelle de la dernière demi-heure sauvage mais rapportée à la longueur du film, ça ne fait pas grand chose…

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