Ce soir les souris dansent

On boira de la manzanilla.

Comment ce film ridicule d’un réalisateur espagnol inconnu m’est-il arrivé entre les mains ? Nécessité, dans une boutique qui solde des DVD de compléter mes emplettes ? Tout petit prix proposé sur un site de discompte ? Autre occurrence ? Je n’en ai aucun souvenir ; et d’ailleurs c’est bien préférable puisque que ça me permet de ne pas trop pleurnicher sur la décadence de mes facultés intellectuelles qui m’ont conduit à regarder cet épouvantable navet pendant plus d’une heure et demie. C’est comme ça, ça permet de constater le peu de prise que l’on a sur sa propre vie, puisque de ces instants si limités qui sont les nôtres, quand on s’approche de leur fin on parvient pourtant à en perdre une certaine partie.

Remarquez, ce genre de film est tellement mauvais qu’on peut y ressentir une forme de volupté. C’est tellement nul, tellement effroyablement nul qu’on en éprouve une sorte de fascination. Malsaine, morbide, malvenue, si vous vous voulez. Mais ça vous permet de vous rappeler ce que vos grands-parents allaient voir le samedi soir, s’ils étaient mal inspirés ou simplement trop flemmards pour s’écarter de la salle du cinéma de quartier où ils avaient leurs habitudes. Et, s’il existe quelques miraculeux chefs-d’œuvre du nanard, Ce soir les souris dansent n’en fait évidemment pas partie.

Remarquez aussi que le titre est d’autant plus idiot qu’il ne correspond à rien. Le titre originel, davantage mélodieux et exact, aurait dû être préféré : L’ombre de Stradivarius, plus mystérieux et plus conforme à l’intrigue aurait largement dû être préféré. Mais les exigences de la coproduction franco-espagnole en ont autrement décidé. Car c’est une certaine rareté qu’on vous propose : un film presque entièrement tourné Outre-Pyrénées, à Barcelone et à Madrid principalement. Ce qui oblige à certaines ridicules impropriétés. En premier lieu la collaboration structurelle et continue de deux policiers, l’un français, l’inspecteur Revel (Howard Vernon), l’autre espagnol, l’inspecteur Luna (Raymond Gast). Qu’ils se connaissent bien et soient de bons amis ne justifie pas que l’un aille travailler sur le territoire de l’autre et vice-versa.

Que s’est-il passé ? Un luthier de talent, Monsieur Adrien, vient d’être assassiné, étranglé par une corde, au milieu de ses violons rares dont il tirait des sonorités exceptionnelles. Qui a fait le coup ? Pourquoi ? Survient à ce moment-là le petit monde qui le fréquentait. Une chanteuse, Lydia Martha (Mick Micheyl), dont l’étoile commence à pâlir, qui est néanmoins la vedette du Club Tropical, où son amant Florencio (Carlos Otero), virtuose ne se sent pas reconnu à sa juste valeur. Une mélodie mystérieuse et inédite dont les policiers ont bien du mal à identifier l’auteur et ne le font que grâce à une émission de radio populaire où les auditeurs sont invités à la reconnaître.

Et l’auteur, c’est – miraculeusement – Rogelio Martial (Manuel Monroy), le mari séparé de Lydia/Mick Micheyl. Je ne suis pas certain d’avoir ni l’envie, ni les possibilités de conter la suite de l’histoire, alambiquée, sophistiquée mais aussi pesante et dépourvue de tout intérêt. Que l’on sache – et on en restera là – que le malheureux luthier avait trouvé le secret de Stradivarius, de sa façon unique de construire des instruments à la sonorité exceptionnelle et même d’en perfectionner la qualité. D’où l’intérêt, pour les instrumentistes, de profiter de ces merveilles pour devenir des virtuoses uniques.

Mick Micheyl, totalement oubliée aujourd’hui, avait, en 1957, une grande notoriété de chanteuse : voix grave, textes poétiques, dégaine ambiguë. Mais c’est une épouvantable comédienne. Quelque temps plus tard, elle a abandonné la chanson pour se consacrer à la sculpture où elle a acquis un certain renom. Howard Vernon, qui ne manquait ni de présence, ni de qualité, s’est endormi dans la grande série des films de quatrième zone, voire dans le porno-soft.

Reste Dany Carrel, qu’on ne voit pas beaucoup, ce qui est bien dommage, qui interprète la maîtresse de Florencio, lui-même amant de Lydia/Mick Micheyl. En 1957, Dany Carrel commençait une belle carrière : second rôle très remarqué dans le superbe Des gens sans importance d’Henri Verneuil, elle allait aussi être éclatante dans le Pot-Bouille de Julien Duvivier puis dans Porte des Lilas de René Clair. Et puis, et puis… pas grand chose. Et c’est bien dommage parce que son visage gracieux et ses seins pointus avaient beaucoup de charme.

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