Clara et les chics types

Trop gentil pour être honnête.

Voilà un bien drôle de film, qui n’a pas beaucoup d’importance dans l’histoire du cinéma français (ni même dans l’histoire de la décennie où il a été tourné), un film souvent un peu minable, médiocre, puéril et qui a pourtant aussi, quelquefois, un certain charme, des situations cocasses, des réparties bien envoyées, des moments qui ne manquent pas d’allant. Il est vrai que le scénario et les dialogues émanent du délicieux Jean-Loup Dabadie dont on peinerait à citer toutes les merveilles conçues pour Claude Sautet (Les choses de la vieCésar et RosalieVincent, François, Paul… et les autres), pour Yves Robert (Un éléphant, ça trompe énormémentNous irons tous au paradis) et pour bien d’autres. Un auteur de sketches, de chansons, un romancier, un écrivain de salut public, pourrait-on dire.

Disons toute fois que Clara et les chics types n’est pas de la veine majeure de Dabadie, qui surfe seulement sur quelques vagues. Celle de la notoriété maximale d’Isabelle Adjani (la Clara du titre qui est en fait un rôle très fugace) ; celle des films de bandes improbables réunies par le hasard (Les bronzés en 1978, Les bronzés font du ski en 1979) ou, comme ici dans une passion commune ; veine qui culminera avec Mes meilleurs copains de Jean-Marie Poiré en 1989 ; enfin, et consécutivement, à la vague des jeunes acteurs du Splendid qui apportaient des visages et des talents nouveaux.

Le film de Jacques Monnet rassemble notamment Christian ClavierThierry LhermitteJosiane Balasko, mais aussi Roland Giraud et Daniel Auteuil. Et, en pièce rapportée, Christophe Bourseiller n’est pas loin de cette troupe. On retrouve donc dans Clara et les chics types la typicité de certains personnages, leur manière d’être, leurs ridicules et leurs jactances. Voilà qui n’a rien de désagréable. Mais le scénario est fluet comme un pinson déplumé et les péripéties, pour variées qu’elles sont, ne parviennent jamais à faire vraiment décoller le film.

Un groupe de musiciens pop largement trentenaires, certains un peu davantage insérés dans la société que d’autres, certains mariés, d’autres non, mais tous assemblés par le goût de la musique monte à Paris pour se produire en concert. L’un des membres du groupe, Bertrand (Thierry Lhermitte), étrangement marié à une belle et austère Allemande et père de deux garçonnets dont il ne parle pas la langue (!) tombe tout à fait fortuitement sous le charme de Clara (Isabelle Adjani), qui s’est enfuie de son mariage le jour même de ses noces (!!). Il va tout faire pour la retrouver, alors que ses camarades vivent de drôles de moments, chacun lancé dans sa propre logique et ses propres aveuglements.

Je tiens depuis bien longtemps que les films de bande sont parmi les plus déprimants, pessimistes et sombres qui soient, la fausse cordialité ou les amitiés de façade dissimulant la terrible solitude de chacun sous des rideaux de fumée. Et parmi les plus grands films de ce genre là, précisément, il y a des récits finalement très noirs : Vincent, François, Paul …et les autres ou Mes chers amis le montrent avec assez d’abondance.

Il ne serait pas très difficile de pousser en tragédie le film : il suffirait d’ouvrir un peu davantage les fenêtres, de focaliser l’objectif sur cette collection de vies ratées, médiocres, infimes, qui sont telles, qui apparaissent telles dès qu’on les scrute d’un peu plus près. Mickey (Auteuil), inspecteur de police qui déteste son métier et qui vit avec une femme (Anouk Ferjac) bien plus âgée que lui, Louise (Balasko), qui subsiste de petits boulots et qui est déchirée par les disputes incessantes de ses parents, Charles (Clavier) prothésiste dentaire qui se croit du talent et qui est maladivement jaloux de sa femme. Et sa femme, précisément, Aimée (Marianne Sergent), obsédée par un acupuncteur verbal chinois qu’elle sollicite et qui la rejette… Et ainsi de suite…

Mais on reste en surface de tout cela. Gentil, Dabadie, trop gentil ; on aimerait que vous mettiez plus d’acide dans ce que vous écrivez, comme vous savez le faire…

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