Comme une image

Et qu’est-ce qu’on peut y faire ?

Il ne faut pas compter sur Agnes Jaoui et Jean-Pierre Bacri pour écrire des films rassérénants, optimistes et bienveillants. Ces deux-là, qui sont Juifs de Méditerranée, ont tôt compris que le monde n’était pas une partie de plaisir où tout tendait à s’arranger et, en fin de compte, allait forcément vers des fins heureuses. Le grand soleil impitoyable du Sud, on le sait depuis les Tragiques grecs, perpétués jusqu’aux histoires glaçantes de Jean Giono, n’est pas propice à la tendresse bienheureuse que lui offrent les contrées tempérées au soleil moins implacable. La douceur angevine n’a qu’à passer son tour.

Je vais sûrement aller chercher trop loin des orientations peut-être moins hautaines ; mais enfin il me semble aussi qu’il y a tout de même toujours une bonne dose d’amertume dans ce qu’écrit le couple Jaoui/Bacri, comme il y a toujours dans les comédies italiennes des grains de désespoir.

Comme une image fait souvent rire, sans doute parce que la vie est risible, mais plonge bien aussi dans cette sorte de tristesse où rien ne s’arrange, parce que c’est comme ça, que les gens sont seuls et sombres et sans espérance, parce que, entre deux chanteuses qui ont la même qualité de voix, il y a celle qui est lumineuse d’éclat et de beauté (Camille Dereux) et celle qui a quinze kilos de trop (Marilou Berry) et qu’on n’y peut rien, que c’est comme ça et qu’on ne voit pas comment quoi que ce soit pourrait changer.

Étienne Cassard (Jean-Pierre Bacri) est un écrivain de qualité, de poids et de succès. À dire vrai, à part le bonheur d’écrire, il n’y a pas grand chose qui l’intéresse ; sa jeune femme Karine (Virginie Desarnauts) est une charmante potiche, dont il pourra se débarrasser quelques années plus tard lorsqu’il aura constaté qu’elle commence à se friper ; sa petite fille Louna (Emma Beziaud) est une sorte de signe extérieur de jeunesse qui n’a pas plus d’importance que n’en aurait un chien de race ou un chat de qualité ; son assistant et souffre-douleur Vincent (Grégoire Oestermann) n’est, précisément, rien du tout. Et la grande fille Lolita (Marilou Berry) qu’il a eue sans trop savoir pourquoi, est une charge et presque un reproche ; parce qu’elle est grosse et surtout parce qu’assoiffée de tendresse, elle l’enquiquine dans son égoïsme fondamental et qu’il rêve inconsciemment de s’en débarrasser.

Il y a alors une interférence un peu incongrue mais nécessaire à la progression du récit qui fait que Pierre (Laurent Grévill) et Sophie Millet (Agnes Jaoui), lui écrivain sans lecteurs, elle professeur de chant croisent le destin de Cassard, sorte de potentat grincheux du monde des Lettres ; Sophie est le professeur de Lolita et Cassard apprécie le talent de Pierre. D’où les rapprochements et les rencontres qui se passent, de surcroît, dans le petit monde ouaté de la Culture où cohabitent, se frôlent, en faisant mine d’être sur le même pied, des seigneurs prospères et adulés et des crève-la-faim qui manient la sébile et guettent la subvention.

Comme nous sommes dans un film français sûrement subventionné par les chaînes de télévision qui se penchent sur le cinéma comme le Loup au chevet de Mère-Grand, ça paraît bien se terminer. Pour qui sait un peu gratouiller, on n’a pas avancé d’un pas : Cassard a retrouvé l’inspiration, ce qui l’intéresse beaucoup plus que sa femme et ses filles, Lolita continue de constater que les types qui font mine de s’intéresser à elle ne le font que parce qu’elle est la fille de son père ce qui leur ouvre des portes. Et peut-être même que Pierre, au talent désormais reconnu, s’agacera de voir que Sophie/Jaoui ne cesse de culpabiliser pour tout et pour rien… Allez savoir.

 

 

 

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