Desperate living

Trop c’est trop.

Je n’ai rien vraiment rien, contre le cinéma de mauvais goût, ni même, dût la chose étonner, contre le cinéma obscène. Après tout, un film vigoureusement dégueulasse ne vaut-il pas mieux, intrinsèquement, qu’une de ces ennuyeuses chorégraphies composées, comme les soirées de TF1, avec un regard consensuel sur les choses et les gens ? Qu’un film dégoute, scandalise, abomine est, après tout, la moindre des choses ; je n’irai pas jusqu’à dire qu’il est là pour ça, mais ça me vient à l’esprit quand je songe qu’Un chien andalou de Luis Buñuel est de cette orientation là et que le cinéma en a gardé trace. Mais il faudrait être mauvais galopin pour mettre sur un rang similaire le rêve surréaliste de l’Espagnol et les excitations masturbatoires de John Waters.

Un film peut être rigolo et joyeux quand il part dans le n’importe quoi mais ici comme ailleurs, tout est affaire de nuances, davantage encore de distance et de mesure. Voilà qui est paradoxal, j’en conviens : il faut, à la fois, être excessif, grotesque, scandaleux, souvent obscène et toujours grossier et garder la juste mesure qui ne fera pas basculer dans la vulgarité. Eh bien je ne suis pas certain que Waters ait gardé cette mesure-là, comme il l’a fait, plus tard, dans le délicieux, acide, méchant Serial mother.

Voilà que ça part dans tous les sens, dans une sorte de féerie minable où ne compteront que des sexualités extrêmes, pitoyables, la plupart du temps vomitoires et un récit totalement dépourvu d’intérêt et de pertinence. Peggy Gravel (Mink Stole), petite bourgeoise mal mariée et dépressive de la banlieue de Baltimore, tue, sur un coup de tête son mari et, en compagnie de sa domestique, l’obèse noire Grizelda Brown (Jean Hill) se retrouve coincée à Mortville.

Voilà une cité où se réfugient les criminels de la contrée et où règne une immonde souveraine, la Reine Carlotta (Edith Massey) qui passe son temps à lancer des ukases absurdes à sa population et à se faire sauter par un des membres de sa garde rapprochée ; garde, par ailleurs affublée de tous les repères homosexuels de l’époque : pantalons de cuir, casquettes de la même nature, maillots de corps en résille…

Et, cela étant, le Royaume de Mortville est une sorte de principauté lesbienne où Peggy et Grizelda trouvent refuge, d’abord chez l’ancienne catcheuse Mole McHenry (Susan Lowe) et sa molle compagne Muffy (Liz Renay).

 

Ben voilà ; une fois que j’ai écrit ça, je ne sais plus guère quoi dire, tant le film est bête et accumule, au fil de séquences souvent quasi pornographiques – mais jamais, ô grand jamais ! troublantes – les évidences et les banalités. John Waters accumule les clichés, glisse parcimonieusement les récits de la vie de ses personnages (mais on sent qu’il tire à la ligne), accumule les images censées déranger… et ne parvient qu’à lasser et à faire trouver languissant son film.

Ce qui, pour un film qui ne dure que moins d’une heure et demie, est un exploit, non ?

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