Deux sous d’espoir

Tarentelle napolitaine.

Comme il est intéressant, ce film dont j’ignorais tout, alors qu’il reçut la Palme d’Or du festival de Cannes en 1951 ! Ce n’est évidemment pas là un label de qualité, mais un signe qu’il a retenu, quelque temps, l’attention de la critique. 1951, c’est, peut-on dire l’âge d’or du néo-réalisme, cette invention italienne d’un cinéma joué en direct, qui montre la vie quotidienne, le plus souvent vécue avec des acteurs improvisés, qui ne raconte pas des histoires rutilantes mais la banalité de la vie, qui montre la pauvreté, la lèpre des villes et des villages, des maisons et des gens. Rien de féérique, rien qui extraie le spectateur de sa vie quotidienne.

Il y a un large aspect documentaire dans Deux sous d’espoir : la vie quotidienne d’un village des alentours de Naples au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Le soleil, la crasse, la misère, un patriarcat aujourd’hui inimaginable mais à peu près accepté par chacun.

Dans ces contrées méridionales, le miracle italien, qui commence à irriguer la Ligurie, le Piémont, la Lombardie, la Vénétie n’a pas du tout touché la Campanie, où l’on vit aussi pauvrement alors que jadis. Chacun s’en accommode, la vie est ainsi faite, c’est tout.

Antonio (Vincenzo Musolino) revient au pays, après son service militaire. Il n’a ni formation, ni emploi, ni perspective, mais une famille envahissante, une mamma (Filomena Russo) particulièrement tonitruante et braillarde, des tas de sœurs dont l’aînée, Giuliana (Carmela Cirillo) tire une gueule triste durant tout le film, en n’omettant pas, toutefois, de se faire engrosser par un barbon (Tommaso Balzamo) qui a un peu plus de sous que les autres.

Les Films du Camélia

Antonio est bel homme et il a depuis longtemps, sans doute, tapé dans l’œil de Carmela (Maria Fiore), fille de Pasquale Artu (Luigi Astarita), sévère villageois, qui vit, plutôt mieux que les autres, du bizarre métier de fabriquant de feux d’artifices et de pétards. Mais qui ne veut pas que sa fille – pour qui, pourtant, il semble n’avoir ni affection, ni tendresse – se compromette avec un va-nu-pieds sans métier et sans avenir.

Et voilà. C’est tout ? Bien sûr que c’est tout ! Y a-t-il besoin de davantage pour montrer cette histoire d’une grande simplicité, simplement irriguée par des péripéties presque banales, souvent drôles, pleines d’esprit, de dialogues plaisants, avec cette ironie, cette acidité qui n’appartiennent guère qu’au cinéma de la péninsule et qui, dix ans plus tard donneront les plus merveilleux chefs-d’œuvre de la comédie italienne ? Il y a une voix off qui ponctue les épisodes du film, et avec la distance nécessaire et pleine d’humour situe l’évolution des événements et l’avancement des aventures des deux amoureux ; des amoureux qui ne cessent de se griffer, de se disputer, de ne pas se comprendre et de s’aimer très fort.

Il y a un prêtre brave homme (Luigi Barone) qui tente un peu de pacifier les disputes villageoises, mais qui ne comprend pas grand chose aux nécessités de la vie qui poussent Antonio à militer pour le Parti communiste italien afin de gagner quelques lires et de pouvoir épouser Carmela ; il y a des trognes singulières, des mesquineries incroyables, des cruautés inimaginables (Carmela qui a découché et n’a pas voulu dire où elle a passé la nuit, est enchaînée par son père avec des chaînes autour de ses chevilles) ; il y a toute une série de saynètes pittoresques, une sorte d’étrangeté rapportée sur le vif d’un monde qui n’est pourtant pas si ancien que ça.

Il y a un film bien intéressant, une mise en scène de la misère sans apitoiement trop facile, une histoire amoureuse chahutée et tendre, de beaux paysages d’Italie. C’est bien, non ?

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