Dragées au poivre

600x800_221791La mode, c’est ce qui se démode.

J’avais conservé de ces Dragées au poivre un souvenir adolescent, charmé par le burlesque du propos, la variété étincelante des interprètes, la séduction des musiques…

J’ai revu, en 2005 le film sur une VHS et, sans me forcer franchement pour le regarder jusqu’au bout, j’ai été bien déçu ; ce que je jugeais burlesque est, à dire le vrai, anarchique et mal ficelé. Ça part dans tous les sens, sans cohérence aucune. Il y a certes quelques  séquences réussies, comme le duo entre Simone Signoret en femme du monde amoureuse et Belmondo en gigolo-légionnaire, (souvent repris en sketch par Guy Bedos et Sophie Daumier), ou le flirt assez séduisant entre Roger Vadim et Monica Vitti, mais le plus fréquemment ce sont tout de même des improvisations assez médiocres.

imageÉvidemment, ce n’est pas désagréable de revoir ce qu’étaient Claude Brasseur, Jean-Pierre Marielle, Anna Karina ou Marina Vlady il y a cinquante ans ; et aussi le charme disparu d’Élisabeth Wiener, fille de Jean, complètement engloutie dans le malsain tourbillon de Mai 68.  J’appréciais beaucoup cette jeune femme aux dents de louve et au sourire ravageur ; comme j’appréciais Andréa Parisy, Valérie Lagrange et nombre des interprètes de ces Dragées au poivre qui m’avaient tant enthousiasmé en 1963, et m’ont tant dépité. Il n’y a pas que la vieillesse qui soit un naufrage ; il y a aussi les souvenirs.

Mais, franchement il y a bien d’autres chefs-d’œuvre ou délicieux nanars à voir ou à revoir…

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273c26a45a773344bc358858fbfce0e6En me repassant hier Dragées au poivre dans la pieuse (et peu utile) édition des films de Jacques Baratier, à côté de Goha et de La poupée, je me suis trouvé un peu sévère dans mon message initial et je réévalue ma note. Il y a (déjà !) dix ans, j’étais sous le coup de la déception majeure ressentie lorsqu’on découvre que les souvenirs qu’on avait conservés d’un truc très original vu deux ou trois fois quarante ans auparavant ne tenaient pas le choc.

Ce tohu-bohu foutraque n’est pas dépourvu de charme, finalement. Il s’inscrivait, en 1963, dans un esprit de vandalisme ravageur, iconoclaste, démolisseur contre le classicisme et la mesure. C’étaient les plus beaux moments du mensuel Hara-Kiri (peu de choses à voir avec la dérive du Charlie hebdo de maintenant), mais aussi de l’incroyable émission Les raisins vertsJean-Christophe Averty dynamitait la seule chaîne de télévision d’alors. Curieusement toutes ces fraîcheurs se sont éteintes ou se sont engluées dans l’anarchisme politique pendant les vingt ans qui ont suivi, jusqu’à Merci Bernard (1982) puis Palace (1988), temps où Jean-Michel Ribes n’était pas encore le trépidant rageur Directeur du Théâtre du Rond-Point et le pourfendeur de qui ne pense pas comme l’intelligentzia dont il est un des plus pontifiants gourous.

dragees au poivreDragées au poivre, de fait, est un salmigondis quelquefois indigeste, souvent fade ; et puis de temps en temps un éclair, un numéro irrésistible : Jean-Pierre Marielle en tennisman las, avantageux et bel homme qui, écrasé au tennis par le timide Gérard (Guy Bedos) finit, au vestiaire, par faire tellement honte de sa victoire à son vainqueur qu’icelui en éclate en sanglots. Ou le dialogue burlesque (à quoi je ne serais pas étonné que Roland Dubillard ait prêté la main) entre deux nouveaux pères de famille (François Périer et Jean Richard) exaspérés par leurs nourrissons.

Palanquée de jolies filles, comme dit plus haut. On peut ou non apprécier la choucroute crêpée de Sophie Daumier, qui ne manquait pas de talent par ailleurs. La plus ravissante, c’est sûrement Alexandra Stewart. Et Bach modernisé par The Swingle Singers demeure une merveille…

Comme toujours la modernité extrême est ce qui se démode le plus…

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