En quatrième vitesse

Surévalué, théâtral, lamentablement interprété.

Lorsque, après avoir vu le film, on en explore les suppléments, on est presque tenté, après avoir entendu l’exposé de Philippe Rouyer, de regarder à nouveau En quatrième vitesse, tant ce professeur paraît convaincant et semble pénétré de l’importance du film qu’il commente. Mais on se retient, parce qu’on trouve qu’on s’est tout de même plutôt ennuyé, et parce que cette histoire confuse et indécise, à l’invraisemblable conclusion, ne présente pas beaucoup d’intérêt. Et puis on songe aussi à l’épouvantable distribution, à des acteurs inconnus – ce qui n’est pas un reproche et peut être, quelquefois et souvent un atout – mais tous aussi dépourvus de charisme qu’une douzaine d’huîtres malades. C’est tout de même extraordinaire de disposer de personnages cyniques, brutaux, violents, prêts à tout, sans scrupules et de les présenter avec aussi peu de pertinence.

Le détective Mick Hammer (Ralph Meeker), censé être un parfait salaud est interprété par un bellâtre au sourire de caramel mou, qui pourrait jouer un ranger sentimental et bucolique ans les prairies du Wyoming ; son assistante et maîtresse, Velda (Maxine Cooper), intéressant personnage prêt à tout – y compris à coucher avec la moitié des protagonistes pour garder Hammer – ressemble à un brocoli calciné.

La méchante Lily Calver (Gaby Rodgers), qui ouvre la boîte de Pandore et se fait carboniser par on ne sait quelle substance maléfique, est franchement moche et particulièrement inexpressive… Le brave garagiste ami de Mike (Nick Dennis) glapit et ulule dès qu’il ouvre la bouche au point qu’on n’est pas mécontent, à la moitié du film, de le voir écrasé par une voiture dont un des gangsters a ôté le cric.

Acteurs catastrophiques et insignifiants, mais aussi récit d’une théâtralité grotesque : Hammer ne cesse d’ouvrir des portes au bon moment, c’est-à-dire au pire, pour l’élégance de l’intrigue, puisque c’est toujours à ce moment là que survient un événement majeur : comme entre cour et jardin sur une scène à l’italienne, les séquences se succèdent et tombent mécaniquement, métronomiquement si je puis dire, sans la moindre distance et sans le moindre suspense.

200_sQue sauver de ce naufrage, encensé à sa sortie à la fois par Positif et Les cahiers du cinéma (et, ce qui me contriste davantage, par de vrais amateurs) ? Rien, mais vraiment rien de rien : ça se veut une dénonciation du maccarthysme, moment fort désagréable et détestable de l’histoire des États-Unis, certes, mais qui n’avait tout de même rien à voir avec les horreurs simultanées du communisme stalinien où les victimes n’étaient pas expulsées de leur pays, mais envoyées au goulag pour y mourir. C’est prétentieux, moralisateur dans son immoralité apparente.

Allez, je ne mets pas 0 parce qu’il y a quelques dialogues percutants, la lourde atmosphère de la route isolée de la nuit où Christina (Cloris Leachman) court pieds nus en haletant dans une stroboscopie très lynchienne, quelques escaliers très escarpés et inquiétants, l’idée de passer les commentaires d’un combat de boxe diffusé à la télévision pendant qu’une tuerie réelle se déroule… Et le mépris des policiers pour Hammer, qui, à dire vrai, le mérite bien.

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