Eternal Sunshine of the Spotless Mind

Matériau de court-métrage.
Un connaisseur intelligent a écrit sur une autre réalisation de Michel Gondry : Gondry bâtit tous ses films sur UNE idée, UN concept, qui tiendraient bien mieux dans un court-métrage. Ce film était Soyez sympa, rembobinez, qui avait été couronné d’un grand succès critique et qui a obtenu, je crois, une sorte de statut de film-culte.

Je m’y étais beaucoup ennuyé, malgré l’apparente subtilité de l’idée de départ. Je crains de devoir marquer la même réticence pour Eternal Sunshine of the Spotless Mind, dont il me semble avoir bien compris les intentions et même la finesse de touche, mais où je n’ai pas pu, ou pas su entrer. Décidément je dois couver quelque chose de pernicieux en ce moment, pour me jeter la tête la première dans des œuvres de cinéastes à qui je me sens profondément fermé, Woody Allen (Annie Hall) ou Luchino Visconti (Mort à Venise). Détestable masochisme ou peut-être, ce qui est pire, fascination absurde du lemming pour son malencontreux anéantissement suicidaire aquatique.

eternal-sunshine-of-the-spotless-mind-beach-big1Précisément l’idée de départ de Eternal sunshine est subtile, intelligente, sophistiquée ; faire effacer de sa mémoire des êtres et des situations qu’on aimerait n’avoir jamais connus, n’avoir jamais vécues, payer pour cette sorte d’amnésie sélective et pouvoir ainsi vivre une vie différente qui ne sera pas envahie, scarifiée, empuantie, par les sortes de cicatrices créées par la mémoire. Cela étant, comme l’écrivait Marcel Aymé, nous sommes si riches, si secrets à nous-mêmes, tant de sources bouillonnent en nous qu’il n’y a rien d’étonnant que les infinies bifurcations de notre esprit rendent l’effacement compliqué.

Ceci, qui n’est que le sujet brut, est sans doute le meilleur d’Eternal sunshine avec, sans doute l’idée que l’attirance entre un homme et une femme peut être d’une telle puissance qu’elle se joue des subterfuges et manigances que nous pouvons dresser pour la nier et l’anéantir.

Mais cela posé et quelques belles images initiales bleues froides, quel drôle de traitement scénaristique ! Alambiqué, embrouillé et confus au delà du raisonnable, il donne l’impression que Michel Gondry, confiant en ce qu’il estime être de la virtuosité, complique et raffine à l’envi les méandres de son récit. Et la pelote de laine devient assez vite un sac de nœuds dans quoi se prennent les pieds des acteurs estimables, Jim Carrey (moins grimacier que de coutume), Kate Winslet, Tom Wilkinson. Et il y a en plus Kirsten Dunst qui a toujours dans son regard cette ombre d’inquiétude découverte dans Entretien avec un vampire puis dans Virgin suicides et portée à son apogée dans Melancholia. Elle parvient à me faire noter le film au dessus de zéro.

Mais pour moi, en tout cas, Gondry, c’est fini.

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