Pour saluer l’Histoire.
Qu’on le veuille ou non, qu’on en enrage ou qu’on s’en attriste, Jean-Marie Le Pen est une des figures intéressantes du dernier demi-siècle. « Intéressantes » ne veut pas dire « importantes » : n’ayant eu aucun poids sur le cours des choses, n’ayant jamais détenu une once de pouvoir, il ne peut pas prétendre à être qui que ce soit d’autre qu’un témoin engagé.
Mais c’est un sacré témoin. Pas seulement, au demeurant. C’est un des meilleurs orateurs d’une époque qui en manque tellement, un de ceux qui entraînent les foules et les font vibrer ce qui, esthétiquement parlant, n’est déjà pas mal du tout… Si je range dans mes souvenirs un merveilleux duel oratoire entre Georges Pompidou et Pierre Mendès-France le 27 février 1967, je ne trouve guère, depuis lors, que trois grands manieurs de parole : Philippe Séguin, Jean-Luc Mélanchon et Jean-Marie Le Pen. Tout le reste est de la gnognote.
Orateur, évidemment, parlant sans note et avec un sens très sûr de la formule, mais aussi conteur. Conteur d’une vie assez extraordinaire, qui a approché, connu, fréquenté, apprécié ou détesté des centaines de personnalités et qui a vécu des moments rares et extraordinaires.
Qui s’intéresse à la politique française de la Guerre de 40 à l’Indochine, à l’Algérie, à la déconfiture de la IVème République à l’accession au pouvoir du Général sera bien inspiré de lire le premier tome des Mémoires de JMLP. On peut ou non partager ses passions, ses amitiés, ses rancoeurs et ses enthousiasmes ; là n’est pas la question. Moi qui ai pour le général de Gaulle une admiration sans borne, je ne peux que souffrir des invectives et ratiocinations épandues sur lui par Le Pen, même si ses plaidoyers sont bien étayés.
N’empêche que tout ça est bien fichu, que la ligne qui vague, au gré des souvenirs entre l’enfant et l’homme, entre le chef de parti et le joyeux compagnon est subtile et passionnante… Je ne sais pas si le deuxième tome sera de ce niveau, mais celui-là mérite qu’on s’y arrête.