Halloh! Du süße Frau !

Le chemin du paradis.

Je sens que je vais être un peu long en expliquant ma dilection pour ce titre allemand, écrit par un compositeur juif allemand de grand renom, Werner Richard Heymann, émigré aux États-Unis en 1933 pour des raisons qu’il est aisé de comprendre et qui a également écrit une rengaine charmante, beaucoup plus connue en France, l’immortel Avoir un bon copain (c’est bien c’qu’il y a de meilleur au monde). Je vais être un peu long et ne vais sûrement intéresser personne, mais nul n’est obligé de me lire. Et puis ça m’amuse d’exposer (et de me raconter) comment j’ai pu m’attacher à cette chanson d’avant-guerre.

À la base, un merveilleux film de montage de Philippe Collin, qui s’appelle Ciné-Follies et qui est (je me cite sans vergogne)  » un montage habile et tendre de chansons, ballets, numéros de music-hall issus du cinéma français d’avant-guerre » (et qui n’est toujours pas édité en DVD ce qui est un pur scandale). Une séquence – l’extrait d’un film que je n’identifie pas – parmi bien d’autres, mais particulièrement, me frappe grâce à sa musique rythmée ; on y voit René Lefèvre (oui, celui du Crime de Monsieur Lange), vêtu d’un frac, arriver, sur une musique très swinguante dans une belle boîte de nuit (ce pourrait être aussi un bal sur un paquebot).

Pendant quarante ans, cette scène, cette musique me trottent en tête (comme deux ou trois autres jamais trouvées dans leur intégralité, par exemple le morceau joué par le trompettiste Bobby Martin dans L’alibi de Pierre Chenal).

Mais la vie est faite de frustrations surmontées, n’est-ce pas ? Et – miracle ! – un jour j’ai l’occasion de regarder l’excellent film Le chemin du paradis qui date de 1930 et qui est une coproduction franco-allemande. À l’époque il est assez fréquent de réaliser, sur la même base, deux films, avec des groupes d’acteurs différents et quelques inflexions de scénario. Ce qui a été le cas. C’est le Wilhelm Thiele, le réalisateur principal et en allemand, ça s’appelle Die drei von der Tankstelle avec des acteurs germaniques. La version française, dirigée par Max de Vaucorbeil réunit Henri Garat, Jacques Maury et… René Lefèvre…

Tiens, tiens…René Lefèvre ; et c’est bien lui que je vois surgir dans la boîte de nuit que j’évoquais plus avant. Dès lors il n’est plus très difficile de remonter à la source : c’est un peu comme avec un puzzle : les dernières pièces sont très faciles à poser. Et c’est là que je découvre que cette musique que j’apprécie est beaucoup plus présente dans la version allemande, qu’elle s’appelle donc Halloh ! Du süße Frau et qu’elle a été un grand standard dans l’Allemagne d’avant (33).

YouTube n’étant pas fait pour les chiens, je m’y précipite et là – volupté suprême ! – je découvre l’extraordinaire Max Raabe et le clip sublime où, sur une route sinueuse de Bavière, conduit par une rogue conductrice ambiguë, il égrène pour une ravissante la chanson que j’aime…

https://www.youtube.com/watch?v=3LspUvNuA6M

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