Houdini, le grand magicien

Le môme caoutchouc.

Quand on me conduisait au cirque, lorsque j’étais enfant, il était bien rare que je ne sois pas déçu. Les ennuyeuses cavalcades des chevaux et de leurs écuyers, les trapézistes qui ne chutaient jamais (ce qui aurait mis un élément de surprise agréable), les dompteurs et belluaires qui n’étaient jamais dévorés par les fauves (même remarque), tout cela me semblait faux, artificiel, ennuyeux. Et aussi les pantalonnades dégradantes des clowns ; il n’est d’ailleurs pas impossible que mon aversion pour le cinéma comique muet de Charlot, de Mack Sennett, d’Harold Lloyd, aversion qui s’est reportée sur leurs épigones, Jacques TatiPierre ÉtaixRowan Atkinson (Mr. Bean), soit venue de là. Mais au cirque il y avait pourtant des gens qui avaient un talent que je jugeais admirable et me fascinaient : les prestidigitateurs, que nous préférions d’ailleurs appeler magiciens (ce qui était bien plus grisant dans notre imaginaire).

J’avais envie de retrouver le parfum de mes souvenirs d’enfance (j’avais 8 ou 9 ans quand j’ai vu Houdini, le grand magicien, pour une seule et unique fois), et de frémir encore quand Houdini (Tony Curtis, donc) est enfermé, enchaîné, dans un coffre massif, immergé dans les eaux glacées de l’Hudson, et dont il doit se libérer avant d’asphyxier. Je croyais d’ailleurs me souvenir que, lors de cette immersion – où il est enchaîné, verrouillé, enseveli profondément – il ne réapparaissait pas. En fait il s’en sort de justesse, mais son errance angoissante sous la glace m’a fait songer à une des séquences les plus effrayantes et spectaculaires de Damien : la malédiction II où Bill Atherton (Lew Ayres) qui est un obstacle aux menées de satanistes est mêmement emprisonné sous la glace et, lui, ne s’en sort pas.

Le film de George Marshall est assez exemplaire du cinéma populaire que nous dévidaient les États-Unis à la suite des désastreux accords Blum-Byrnes qui permirent à Hollywood d’envahir les écrans français. Deux vedettes de renom, Tony Curtis en Houdini et Janet Leigh, sa femme. De la couleur et du rythme, des seconds rôles assez solides (Torin Thatcher, dans le rôle d’Otto, le factotum d’Houdini, Angela Clarke, la mère de l’artiste), une gentille histoire amoureuse, des séquences bien fichues où le magicien prend des risques et où le public frémit.

À la revoyure, c’est terriblement plat et répétitif : les morceaux de bravoure se succèdent, de plus en plus compliqués au fur et à mesure que l’aura, la célébrité (et la rémunération) de Houdini augmentent. Mais, ce qui aurait pourtant été diablement intéressant, aucune piste explicative sur le talent et les façons de faire de ce contorsionniste exceptionnel qui parvenait à se sortir d’une camisole de force ou d’une cuirasse solidement verrouillée en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.

On a l’impression que le réalisateur a sagement suivi une biographie à la limite de l’hagiographie pour présenter son personnage, à qui il ne parvient pas à donner de la chair. Ainsi, même si l’on admet bien volontiers l’attachement de Houdini pour sa mère et la dévastation qu’il a ressentie après sa mort, on n’accroche pas vraiment à ses tentatives pleines d’espérance pour la retrouver par le biais de fumisteries spirites ; acharné à démonter les trucages et les supercheries des voyants (assez bonne séquence de prétendue évocation des esprits, au demeurant), on le voit demeurer persuadé qu’il existe des médiums efficaces…

La fin du film présente une certaine ambiguïté : si l’on se limite aux dernières images, il y a un happy end dans la meilleure tradition : Houdini qui a failli mourir en ne pouvant se libérer d’une sorte de pagode emplie d’eau où il était ligoté à l’envers, la tête en bas, promet à sa femme qu’il renonce désormais à courir des risques insensés et se retire donc de la scène. Mais on l’a vu, quelques minutes plus tôt, se tordre de douleur à cause d’un choc à l’abdomen : de fait il a été emporté par une péritonite foudroyante à 52 ans. Mais dans les États-Unis optimistes de 1953, pareil sort cruel était inimaginable, n’est-ce-pas ?

 

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