Invasion Los Angeles

Foire des ténèbres.

On comprend assez bien que le réalisateur John Carpenter bénéficie d’une certaine aura dans le domaine vaste du cinéma de genre. C’est convenablement construit et mené, c’est de l’ouvrage passable, assez solide toutefois pour résister à la vision après quelques décennies et il y a quelques situations et images originales qui font qu’on ne peut pas tout à fait négliger le film qu’on regarde, même si on en voit bien les insuffisances et les roublardises. En d’autres termes on n’est pas dupe, mais on ne demande pas mieux que se laisser avoir par le fil du récit présenté.

J’avais déjà eu ce genre de réaction devant Prince des ténèbres ou Vampires : c’est du cinéma industriel robuste où il ne faut pas chercher davantage qu’un divertissement immédiat ; aucune épouvante qui bousculera vos certitudes ou hantera vos cauchemars nocturnes ; du cinéma qu’on oublie au fur et à mesure qu’on le regarde mais qui a déjà l’avantage de ne pas hérisser ni même déplaire.

Remarquez je dis ça mais dans Invasion Los Angeles j’ai été à deux doigts plusieurs fois d’utiliser la zapette et de passer à la séquence suivante ; si le film ne dure que 90 minutes, il comporte des longueurs ; par exemple, sauf pour ceux qui apprécient la castagne, une interminable bagarre entre le héros n°1, John Nada (Roddy Piper) – le Blanc – et le héros n°2, Frank Armitage (Keith David) – le Noir – qui deviendront évidemment ensuite les meilleurs amis du monde. Ou la course effrénée et massacreuse de John et de Frank au milieu des couloirs bétonnés de la Centrale d’intoxication.

Car – il faut bien qu’on le dise – le pitch d’Invasion Los Angeles repose sur la découverte fortuite par John que notre monde moderne, avec ses injustices et ses désordres est en fait gouverné par des extra-terrestres hideux qui l’exploitent au mépris de toute vision écologique et sucent le sang des malheureux prolétaires humains. John va ainsi rejoindre les rangs de la Résistance qui lutte comme elle peut contre ces Nazis venus de la nébuleuse d’Andromède. Lutte contre ces tripotées d’Aliens qui n’ont que mépris pour les indigènes de notre bonne vieille Terre mais aussi contre les collabos qui, en échange d’une prodigieuse ascension sociale et financière, ont trahi la race humaine.

Pourquoi pas, et cela bien que la parabole du richard capitaliste vampire aux dents aiguisés et voraces soit un peu trop cousue de fil moral pour ne pas agacer un peu. Mais enfin on sait bien qu’à Hollywood le Diable se fait toujours ermite et déverse sur toutes les salles de cinéma de la planète des discours moralistes qu’il se garde bien d’appliquer à son propre usage. Invasion Los Angeles est d’ailleurs, de ce point de vue, presque caricatural : la machine à décerveler, à broyer le jugement qui est la raison d’être (et de gagner beaucoup, beaucoup de dollars) des Majors californiennes paraît ainsi lancer un vertueux avertissement aux pauvres victimes que nous sommes (on me glisse que John Carpenter a toujours été un vigoureux dénonciateur des Pouvoirs ; possible, mais qu’est-ce que ça prouve ? Ken Loach va bien fonctionner au Dom Pérignon presque chaque année au Festival de Cannes, n’est-ce pas ?).

Pourquoi pas ? disais-je… n’empêche que, une fois ces prémisses posées, le scénario du film est bien primaire et bien maladroit ; on a droit, in fine à un petit, tout petit retournement, largement prévisible ; ça ne vaut vraiment pas la moyenne.

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