Itinéraire d’un enfant gâté

Compte pour du beurre.

J’avais bien tort de penser que cet Itinéraire d’un enfant gâté était un des seuls films regardables de Claude Lelouch, après la très satisfaisante Bonne année. Mon ancien souvenir était trop bienveillant et, à la revoyure, j’ai malheureusement retrouvé les maladresses naïves et la prétention du cinéaste à être un auteur. Le personnage n’est pas désagréable en soi et, d’après certains témoignages, il est même assez sympathique et animé d’un sincère amour du cinéma. Mais y a pas à dire, ce qu’il tourne laisse presque toujours confondu devant tant d’inanité sonore (surtout lorsqu’il croit devoir truffer son film d’insupportables ritournelles de Jacques Brel et de Nicole Croisille).

On ne peut pas trop dire de mal de l’interprétation de Jean-Paul Belmondo qui, dans un rôle idiot et puéril, fait de son mieux ; il est vrai qu’à l’époque du tournage d’Itinéraire, il avait déjà depuis longtemps renoncé à beaucoup d’ambitions, à demeurer ce qu’il aurait pu être : avec RaimuJean Gabin et Alain Delon un des quatre plus grands acteurs français du siècle. Là il se tire honnêtement d’un boulot ahanant qui le ridiculise à peine mais lui permet aussi, de temps à autre de montrer le talent qu’il avait jadis eu. À le voir au côté de Richard Anconina, qui n’est pourtant pas manchot mais qu’il écrase de toute sa robustesse, on est effaré de constater les différences de puissance. Et si on ne peut pas dire de mal de Michel Beaune, puisqu’il est confiné dans un rôle secondaire, voire tertiaire, on frémit de voir promues au premier rang des rôles féminins Lio,Béatrice Agenin et Marie-Sophie L, toutes plus insignifiantes les unes que les autres et vouées à jouer les plus dérisoires utilités.

Que le scénario soit d’une rare médiocrité ne peut pas étonner : on pourrait dire de Claude Lelouch qu’il est, en quelque sorte, le ravi de la crèche au cinéma : un canevas à la limite inférieure de la débilité mentale tourné avec une innocence confondante et pas la moindre distance avec la réalité : une histoire puérile à l’usage des grandes personnes. On est en plein milieu des récits feuilletonesques du 19ème siècle, mais sans le sens du mystère et du merveilleux qui font vibrer à la lecture d’Eugène Sue ou de Ponson du Terrail : il n’y a rien de drôle ni de substantiel à la représentation de la vie d’un brave type, Sam Lion (Jean-Paul Belmondo) dont l’existence chaotique, brillante puis dépressive fait très vaguement songer à la parfaite réussite – en comparaison – avec Le fabuleux destin d’Amélie Poulain film qui sait, lui, ménager la part de rêverie et de merveilleux qui manque cruellement au machin de Lelouch.

Que sauver, à part les efforts de Belmondo ? Une réplique (Quand on demande à quelqu’un comment il va, on prend de gros risques), deux ou trois images asphyxiantes de l’hôtel du père (Daniel Gelin) d’Albert Duvivier (Anconina), trois séquences africaines et c’est tout.

On se demande (quand on n’a rien d’autre à faire) ce qui demeurera de Lelouch dix ans après sa mort ; on est bien obligé de répondre : rien !

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