Jimmy P. (Psychothérapie d’un Indien des plaines)

Prisonnier dans sa tour.

Ils ont bien de la chance, ces cinéastes français qui parviennent à trouver, année après année, des financements publics confortables pour tourner des films parfaitement nombrilistes. Adulé par la critique savante des professionnels de la profession, maintes fois sélectionné dans toutes les compétitions filmiques que lesdits organisent à tire-larigot (aussi bien le Festival de Cannes que les Étoiles d’or, les festivals de Cabourg ou d’Angers, etc.) Arnaud Desplechin occupe un rang de notoriété enviable, un des plus importants parmi les réalisateurs sérieux, qui font les bonnes pages de Télérama et les bons bavardages du Masque et la plume.

Ce n’est d’ailleurs pas tout à fait immérité. Desplechin sait filmer des histoires plutôt ennuyeuses sans ennuyer tout à fait et je n’avais pas été mécontent d’avoir regardé naguère Rois et reine qui a été, je crois, son plus grand succès public. Je dirais presque la même chose de Jimmy P. (Psychothérapie d’un Indien des plaines) qui est pourtant le récit verbeux, émaillé de longs dialogues particulièrement creux d’une interminable psychanalyse.

Il paraît que c’est une histoire vraie qui a été filmée : celle de la thérapie menée par Georges Devereux, (né György Dobó en Hongrie, 1908), interprété dans le film par Mathieu Amalric sur Jimmy Picard (Benicio del Toro), ancien combattant d’origine indienne, de la tribu des Pieds noirsqui, revenu auprès de sa sœur, dans la Montana, souffre, en 1948 encore, de troubles psychosomatiques qui lui valent une pension. Névralgies, crises d’angoisse, troubles de la vue… On ne sait trop d’où viennent ces épisodes.

Jimmy est transféré dans la clinique psychiatrique du docteur Karl Menninger (Larry Pine) à Topeka, dans le Kansas et subit de multiples investigations médicales dont aucune ne parvient à lever le mystère de son état de santé. Menninger fait alors appel à son ami Devereux, anthropologue polyglotte, qui n’est encore ni médecin, ni psychanalyste mais s’est beaucoup intéressé à la structure mentale des populations indiennes et a notamment vécu dans une tribu mohave, dont il a appris la langue.

La presque totalité du film est tissée des longues conversations où Devereux, après avoir en quelque sorte apprivoisé son patient et avoir gagné sa confiance lui fait dévider les traumatismes de sa vie, la mort de son père, alors qu’il n’avait que 5 ou 6 ans, les galipettes de sa mère, son refuge auprès de sa sœur aînée Gayle (Michelle Thrush), la lâcheté d’avoir laissé se noyer une petite fille amie… la honte d’avoir été surpris par Gayle alors qu’il caressait, à sa demande, le sexe de la sœur aînée de la jeune morte…

Peu à peu se débloquent dans le cerveau de Jimmy les écrous des hontes et des regrets. Ceux, majuscules, d’avoir abandonné Jane (Misty Upham) qui était enceinte de lui, parce qu’il a sottement cru qu’elle lui était infidèle… La fin du film verra Jimmy guéri essayer de renouer non pas avec Jane, qui est morte, mais avec Marylou, leur fille.

Tout cela est bien fait mais reste finalement un peu ennuyeux : on ne sort guère de cette longue chirurgie mentale. Et il est bien dommage que Desplechin n’ait pas davantage insisté sur la visite que rend à Devereux son amante française Madeleine, interprétée par une actrice au charme fou, Gina McKee : on veut bien ne pas avoir à découvrir l’intégralité du récit de leur rencontre et de leur situation – parce que Madeleine est mariée et va repartir pour la France avec son mari -, mais on est tout de même un peu agacé par la multiplication des ellipses à ce sujet.

 

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