King Kong 2005

L’équipée sauvage.

Je ne suis pas particulièrement amateur de l’histoire mythique de King Kong, mais il faut bien que j’admette qu’elle a suffisamment marqué l’histoire du cinéma pour susciter trois films qui ont eu un grand succès, sans même compter les séquelles (Le fils de King Kong)ou les pseudopodes (King Kong vs. Godzilla). Trois films, donc King Kong l’ancêtre d’Ernest B. Schoedsack en 1933, King Kong le remake de John Guillermin en 1976 et enfin King Kong rénové de Peter Jackson en 2005. Avec, à chaque fois, l’amélioration évidente des effets spéciaux qui finissent, on a bien raison de le dire, par envahir tout l’espace et à priver le film de son sens au bénéfice du spectacle qu’il donne.

Je n’hésite pourtant pas à donner au dernier film la meilleure note des trois. Non pas vraiment pour la qualité extrême de ce qui est présenté à l’écran, bien que ce soit quelquefois bluffant et superbement filmé. En disposant de tous les moyens financiers et de tous les progrès techniques possibles, un cinéaste aussi talentueux que Peter Jackson ne peut que réussir son affaire. Et de fait, il a le sens du mouvement, le sens du suspense, le sens des rebondissements. Aussi le sens de l’horreur : les fortifications basaltiques cyclopéennes d’une civilisation disparue, la survivance de primitifs qui vouent un culte au singe géant, leur émoi orgasmique, leurs yeux révulsés lors de la cérémonie sauvage – et grandiose – où la jeune femme est donnée en holocauste et en tribut au Seigneur Gorille, tout cela est magnifiquement tourné.

On peut dire, à juste titre, que trop, c’est trop, qu’il y a de trop longues séquences où les malheureux embourbés dans la jungle ne peuvent pas faire trois pas sans qu’un monstre préhistorique ne surgisse pour les bouloter. Et malgré toute l’inventivité des scénaristes et créateurs d’horreurs, on finit par trouver un peu longs ces moments où l’on sait bien que des personnages secondaires seront happés, engloutis, dévorés, sucés vivants, envahis, déchiquetés, mais où l’essentiel des protagonistes importants parviendra à s’en sortir. Remarquez que c’est à peu près la loi du genre et qu’on ne serait pas pertinent de s’en plaindre.

Mais donc, ce n’est pas ce que je trouve de meilleur au film. Et cela même si je me dis que dans une grande salle, devant un écran géant, avec la sonorisation adéquate, on doit vraiment en prendre plein les yeux et presque frémir d’émotion alors qu’on sait bien que la belle héroïne Ann Darrow (Naomi Watts qui n’est pas la plus jolie fille du monde mais qui est assurément une des plus séduisantes) et son amoureux vaillant Jack Driscoll (Adrien Brody) se sortiront, même piégés par des tyrannosaures, des lianes, des scorpions gigantesques, des sangsues immondes et bien d’autres monstruosités, de toutes les embuches.

Mais j’ai vraiment bien aimé le personnage fou, attachant, démesuré, passionné, cinglé de Carl Denham (Jack Black), le réalisateur du film. Cet homme qui ne pense qu’à tourner, à collectionner les images, à faire en sorte que le monde entier s’effraye et s’émerveille des mystères du monde. Et qui est prêt pour cela à absolument tout, notamment à n’accorder qu’une importance très relative à la mort de ses collaborateurs et compagnons. En voyant King Kong j’ai repensé, toute choses restant égales par ailleurs, à un des films qui m’a le plus fasciné : Cannibal holocaust de Ruggero Deodato (1980) où la volonté forcenée de tourner jusqu’au bout donne des images très dérangeantes.Il y a dans la paranoïa, dans l’obsession, dans l’insensibilité de Denham pour tout ce qui n’est pas le film qu’il tourne quelque chose d’encore plus fascinant que les images toujours plus virtuoses des bêtes féroces et de la sauvagerie de l’île. J’ai trouvé ça beaucoup mieux que les balourdises du deuxième film qui présente des types à la recherche de pétrole et même que le premier où le réalisateur de film n’est pas animé par la même sorte de folie sacrée.

Cela étant, 3h20 (en version longue), c’est beaucoup trop, même regardé en deux ou trois fois ; on pourrait largement couper dans les trois segments du film : supprimer quelques attaques préhistoriques dans la partie centrale, quelques minutes, jusqu’à l’arrivée dans l’île maléfique, dans la première, qui n’a pas besoin de tellement de temps pour poser les personnages et surtout les deux tiers de la dernière, la mort de King Kong à New York, interminable, langoureuse et niaise.La belle a tué la bête, on avait compris. Heureusement, Kong abattu, Ann va se précipiter dans les bras de Jack. Il n’aurait plus manqué que la Belle soit vraiment amoureuse de la Bête.

 

Leave a Reply