La femme du dimanche

Les secrets du clair de lune.

Et voilà que je me suis cru quelquefois dans un giallo, filles dénudées et sang à la une en moins et non pas chez le grand Luigi Comencini ! Que s’est-il passé ? Sans doute exigences alimentaires et pesanteurs des productions internationales, peut-être désir du réalisateur de tourner quelque chose qui n’était pas dans sa manière, quelque chose d’innovant et possiblement même pari plutôt nigaud de réussir l’adaptation d’un roman de Carlo Fruttero et Franco Lucentini écrite par le premier nommé et par Agenore Incrocci, c’est-à-dire par le mariage de l’eau et du feu.

Ce n’est pas que le film manque de qualité ou soit agaçant à regarder. Loin de là. On prend même plaisir, en spectateur omniscient à suivre les déroulements de l’enquête du commissaire Salvatore Santamaria (Marcello Mastroianni), chargé de découvrir qui est l’assassin du minable, tripatouilleur, érotomane architecte Garrone (Claudio Gora), massacré à l’aide d’un massif, gigantesque phallus de pierre. Comme la femme aux chats (Miriam Karlin) d’Orange mécanique d’ailleurs ; curieux rapprochement.

Donc Garrone a été assassiné ; et tout le film va courir derrière l’enquête jusqu’à la résolution finale, qui n’est surprenante que pour ceux qui ignorent, ou font mine d’ignorer que le genre (littéraire ou cinématographique) veut que ce soit la personne la moins soupçonnable en apparence qui soit la coupable. On passe donc consciencieusement en revue tous ceux qui auraient eu quelque envie ou quelque intérêt de se débarrasser du vieux cochon. Et ce qui n’est pas désagréable, ce qui est même bien habile c’est que les intrigues s’entrecroisent, se superposent, se relient les unes aux autres et que l’on est constamment dans l’interrogation. Mais cette complexité relative n’est pas sans défaut : les séquences s’enchaînent avec une trop grande répétitivité et on passe trop vite de l’un à l’autre des protagonistes comme dans un film de série de Mario Bava : ce n’est tout de même pas ce qu’on peut attendre de Luigi Comencini.

Tout cela évolue donc autour de Turin, admirablement photographiée et rendue presque séduisante. La capitale du Piémont n’est pas si souvent représentée au cinéma qu’on n’ait pas à se féliciter de la découvrir ainsi, un peu massive, souvent austère, mais parée des demeures patriciennes admirables qui la surplombent. Demeures qui seront la clef de l’énigme au demeurant. Petit monde opulent de la jet-set piémontaise ; Anna-Carla Dosio (Jacqueline Bisset, absolument sublime) qui s’ennuie auprès d’un mari industriel qui la trompe copieusement ; son ami et confident Massimo Campi (Jean-Louis Trintignant), issu d’une famille aristocratique devenu homosexuel parce que les femmes généralement l’exaspèrent ; son médiocre amant Lello Riviera (Aldo Reggiani) sensible, complexé, victime-née.

Et le drôle de monde qui surgit dès que l’on ouvre un peu le couvercle ou dès qu’on soulève le toit des maisons et qu’on peut constater que la réalité de sage apparence n’est pas exactement identique à l’idée qu’on s’en fait.

On voit bien assez vite que Comencini se soucie de l’intrigue autant que de son premier minestrone : ça court dans tous les sens, ça se manque ou se rattrape miraculeusement, les destins se croisent, les coïncidences les plus improbables surgissent, la police parvient inopinément à trouver la pièce à conviction ou l’indice qui manquait. Comme dit plus haut, l’identité de l’assassin de l’architecte libidineux Garrone (qui entretemps a également zigouillé le pauvre Lello, qui s’était courageusement dispensé pour essayer d’innocenter son amant Massimo/Trintignant, fortement suspecté du meurtre) est révélée à la fin et on aime à dire, comme le commissaire Bourrel (Raymond Souplex) dans Les cinq dernières minutes, Bon Dieu, mais c’est bien sûr !.

Mais on attendait tout de même autre chose du réalisateur de L’incompris, de L’argent de la vieille, du Grand embouteillage

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