La fiancée du monstre

Le fin fond du marécage.

L’épidémie de coronavirus et le confinement subséquent n’ont pas que de mauvais côtés : comme on ne peut guère sortir de chez soi, on regarde tout ce qui passe à portée de l’œil. Tout, mais aussi n’importe quoi. Le réalisateur Ed Wood bénéficie d’une certaine notoriété auprès des amateurs de cinéma bizarre et marginal, qui est bien au delà de la série B, et confine à la série Z ; un cinéma de bric et de broc, financé avec trois francs, six sous et tourné avec des bouts de ficelle. Films qui ne se soucient ni de la vraisemblance, ni de la cohérence, qui présentent des acteurs minuscules dans des aventures un peu ridicules mais assez violentes, voire sanglantes.

Donc, cette après-midi, La fiancée du monstre qui fut, paraît-il le seul film de Wood à dégager un petit bénéfice. Titre un peu trompeur, appel à la thématique classique et usée du savant fou, génial et monstrueux, mais qui fait appel aussi à une double crainte, bien présente pour les Occidentaux à qui s’adresse ce film de 1955 : double crainte de la puissance de l’Union soviétique, soupçonnée (non sans raison) de vouloir la peau du Monde libre et des possibles dérives de l’utilisation de l’énergie nucléaire et des multiples catastrophes qu’elle peut susciter. Mettons donc dans un shaker cette crainte bifide, un couple habituel du cinéma de genre, lui, Dick Craig (Tony McCoy), lieutenant de police, elle, Janet Lawton (Loretta King), journaliste. C’est-à-dire des fouineurs et des empêcheurs de tourner en rond.

Que se passe-t-il dans ce fouillis douteux, dans ce marécage délétère, plein de serpents gluants, d’alligators rugueux, de sables mouvants perfides qui doit être un coin perdu de Floride ou de Louisiane ? Des tas de gens (douze morts en l’espace de trois mois) ont disparu à proximité de la Maison des saules, demeure apparemment abandonnée, à l’allure revêche, située dans un grand parc solitaire. Des orages ne cessent d’exploser, des promeneurs d’être donnés en pâture à une gigantesque pieuvre. Au fait, la laideur de cet animal ne semble pas avoir donné tant d’idées que ça aux scénaristes ; je n’ai guère le souvenir que de la bête géante de 20000 lieues sous les mers de Richard Fleischer.

Donc, à un moment donné (il était temps !) la police décide de se préoccuper de la kyrielle des meurtres intervenus. Et comme une lettre à la poste, tout va très vite et très bien. Il n’est pas du tout compliqué de savoir qui, quelques années auparavant, a acheté la maison à la réputation douteuse qui paraît être le centre de l’infection. Et donc de s’y rendre. Et donc, à terme, d’interpeller un savant fou, le Dr Éric Vornoff (Bela Lugosi), qui a été naguère chassé de son pays (on devine que c’est à l’Orient compliqué et slave) qui tente de créer, nouveau Prométhée, nouveau Frankenstein, une sorte de surhomme invincible qui donnera à son créateur la maîtrise des affaires du Monde. Oh oh !!

Le méchant savant, tel le Claude Frollo de Notre Dame de Paris dispose de son Quasimodo, le colosse Lobo (Tor Johnson), qu’il a trouvé dans une fosse septique (diable !) et qui lui est absolument dévoué, jusqu’à ce que parvienne dans les griffes du docteur Vornoff la gracieuse Janet, la journaliste têtue et fouineuse. Ai-je besoin de conter la suite?

Tout cela est au degré Zéro de la qualité cinématographique. Pour autant le spectateur curieux peut regarder La fiancée du monstre sans antipathie, en admirant, au demeurant, combien le cinéma peut présenter – revenons-y – tout et n’importe quoi.

Leave a Reply